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le texte ci-dessous est la retranscription du Journal de Bord du quartier-maître Georges RACK, du 2e peloton du 3e Escadron qui est conservé au Fond Historique 2e D.B. Le texte a été reproduit tel quel, sans corrections. Il est juste complété de photos et plans pour une meilleure compréhension. Les textes en rouge ont été ajoutés pour commenter le texte original. Il existe deux versions de son Journal de Bord.

Retranscription Eric BRUNET pour http://www.rbfm-leclerc.com (2010)

- ARRIVEE EN FRANCE –

Nous arrivons sur des L.C.T. (peut-être plutot des L.S.T.)chargés également de tout notre matériel, en vue des côtes de FRANCE, vers la tombée du jour, le 1er Août 1944 à marée haute.


Débarquement des chars de la Division depuis le LST 517

      Nous serons obligés d’attendre la marée basse afin de pouvoir débarquer. Plus que quelques heures pour embrasser enfin la terre de FRANCE vœux que chacun a fait avant le départ de l’ANGLETERRE. Il y a comme moi, la plupart d’entre mes camarades qui n’ont pas vu cette terre de FRANCE, depuis bon nombre d’années (pour moi, 3 ans déjà !)

      Ainsi la nuit est venue, avec elle la marée basse ; il est autour de 11 heures, lorsque les moteurs des véhicules se mettent en route.

      L’avant des L.C.T. se baisse et chacun dans sa voiture ou son char franchit ce pont levis improvisé pour se laisser diriger vers une direction inconnue.

      C’est donc à travers la nuit, tous feux éteints que nous sommes dirigés vers un camp de triage. Nous roulons avec les ‘’yeux de chat’’, des voitures dans une poussière aveuglante, guidés dans les carrefours par des M.P. ou des D.C.R. munis de signaux phosphorescents. Malgré la nuit, nous distinguons, non plus des villages, mais des ruines, sans aucun doute les combats ont dû être très durs dans cette région.

      Et c’est vers 3 ou 4 heures que nous arrivons dans nos parcs respectifs, là chaque homme prend ses couvertures et s’allonge, soit dans son véhicule ou sur l’herbe, pour attendre le lever du jour.

      Le jour est levé déjà depuis un bon moment lorsque nous sommes tirés de notre sommeil, chacun roule ses couvertures, déjeune sur le pouce et vient au premier appel sur la terre de FRANCE. Nos Officiers nous apprennent que nous devons attendre l’ordre du départ, mais que cet ordre peut arriver à n’importe quel instant, il ne faut donc pas s’éloigner et faire attention aux mines que les Allemands ont posé partout ; en effet quelques instants plus tard, plusieurs d’entre nous découvrent des mines-piège anti-personnel qui sont désamorcées par la suite.

      Les langues jasent vite, et chacun raconte à sa façon des choses invraisemblables sur notre destinée à tous.

      Le lendemain l’ordre du départ arriva et c’est avec joie que chacun l’accueillit. Nos moteurs sont donc en route et le signal de marche est donné.

      Nous roulons ainsi de jour et de nuit dans la poussière, derrière nos chars qui ne nous ménagent pas leur sale fumée à l’odeur du gaz-oil et de cambois, et souvent la nuit tous feux éteints, car les avions boches ne sont pas tous descendus et ils veillent eux aussi sur leurs proies, tels des éperviers ou des vautours.

      Après avoir traversé des villes et des villages plus ou moins détruits, nous rentrons en Ille-et-Villaine, où nous apprenons qu’une partie de la D.B. s’est portée avec des divisions américaines pour enrayer une attaque allemande destinée à couper en deux tronçons les Armées alliées, fâcheuse situation qui risquait de nous laisser sans vivre, sans munitions, sans ravitaillement nécessaire à notre marche en avant, mais cette attaque échoua avec de fortes pertes pour l’ennemi.

      Notre marche reprend donc et nous passons des villages qui nous semble épargnés auprès des ruines que nous venons de traverser. Nous commençons a être croisés par des camions remplis de prisonniers qui iront finir la guerre en ANGLETERRE, derrière des barbelés ; la population ne ménage pas sa joie de nous voir. Pensez-donc des soldats français ! il y avait si longtemps que nous n’en avions vu ; par contre, elle ne ménage pas ses cris de haine et de colère à l’adresse des prisonniers allemands.

           Nous voyons aussi nous croiser des camions J.M.C. (G.M.C.), tels des bolides conduits par des noirs Américains, en général ; ça, c’est le travail du ravitaillement qui s’allonge de plus en plus, au fur et à mesure que les troupes avancent.


Les équipages du Red Ball Express

      Après avoir fait un crochet, nous allons enfin prendre contact avec l’ennemi ; ce que chacun espérait va enfin pouvoir se réaliser. Le jour arrive où notre groupement voit sa direction de combat indiquée – les points à prendre à l’ennemi : LA HUTTE – ALENCON – CARROUGE et direction ARGENTAN.

      Relatons un peu comment se compose la 2e D.B. La division LECLERC se compose environ de 20.000 hommes, d’un matériel qui, espacé de 100 mètres couvrirait la distance de BORDEAUX à PARIS, tous motorisés. Les régiments : SPAHIS – CHASSEURS – CUIRASSIERS – FUSILIERS-MARINS – FANTASSINS (Tchad) – ARTILLEURS – DEPANNAGE - RAVITAILLEMENT – SANITAIRE – PARACHUTISTES & COMMANDOS (pas au sein de la 2e Division Blindée).

      La D.B. est formée en groupements tactiques : G.T.L. – G.T.V. – G.T.D. et, par la suite, se formera même de sous-groupements qui changeront de noms au fur et à mesure que les officiers commandant ces groupements tomberont sous les balles de l’ennemi.

      Pour tous, un but : sauver la France et finir le plus tôt possible cette affreuse guerre en poursuivant l’ennemi jusqu’au fond de sa retraite.

   

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LA HUTTE

      Nous montons donc en ligne l’un derrière l’autre, les shermans des cuirs nous précèdent ; mais, en vue de la hutte, prise de contact rapide et six chars des cuirs sont atteinds. C’est alors que nous voyons nous croiser des jeeps qui transportent les premiers blessés : drôle d’impression que de voir nos camarades qui montaient tout à l’heure si joyeux et qui maintenant redescendent avec des membres en moins.

      Notre tour vient de monter à leurs places au village de la Hutte. Nous montons donc, précédés par nos T.D., moi dans ma jeep l’’’Intrépide’’ ou je suis chef de voiture ; mon équipage est composé de MERIC, chauffeur, et BLANCO, mitrailleur. MERIC est un niçois, petit, menu au sang chaud et bouillant de se battre ; il a vingt et un an ; il a passé en Afrique du Nord avant que les ‘’boches’’ descendent dans le midi, avec l’espoir de reprendre la lutte contre l’envahisseur. BLANCO, lui, est bordelais, vingt ans aussi, moyen, fort et décidé, le vrai type bordelais ; par contre, lui s’est évadé de France en passant par l’Espagne, où il a passé plusieurs mois en prison, pour rejoindre les forces combattantes.

      Armement de la jeep : moi une carabine américaine, MERIC une mitraillette, BLANCO un fusil faisant office de lance-grenades anti-char, ensuite, une mitrailleuse de 7m/m5 fixée sur la jeep et démontable, des grenades anti-char, F.1, ????, fumigènes, incendiaires, de phosphore, de signalisation.

      Arrivés au carrefour, deux chars brûlent ainsi que des maisons, les munitions de ces chars explosent à tout instant. Le Lieutenant LACOIN qui commande notre peloton le 2ème du 3ème Escadron du R.B.F.M., indique aux équipages des jeeps de fouiller les alentours sans trop nous éloigner.

      Nous partons donc fouiller les fourrés et les bois environnants ; avec moi : TRONQUET – MERIC – BAZIN – MALHERBE et MANNET, les autres sont restés aux voitures. Nous nous dirigeons en nous dissimulant derrière les arbres vers un groupe de maisons qui semblent inhabitées. Tout à coup, nous apercevons un homme qui, ma foi, n’a pas l’air très rassuré, son hésitation de nous fausser compagnie, nous permet de le rejoindre. Nous le questionnons, car c’est un homme du village, en lui demandant s’il y a des boches encore dans les parages. Et au bout d’un moment, nous voyant parler le Français comme lui, il nous demande si nous le sommes, ce qui nous fait un peu rire, satisfait sur ce point, il nous invite à le suivre pour délivrer des camarades qui se sont cachés des boches. Quelle joie pour eux, lorsque nous les sortons d’une grange où ils étaient cachés et sur le qui vive : ils nous relatent aussitôt leur aventure :

- ‘’ Hier au soir, nous étions deux Haffs-Tracks (Half-Track) du Tchad en reconnaissance et nous nous sommes égarés pour tomber dans les lignes allemandes, comme nous tentions de nous sauver, notre voiture est tombée en panne et nous avons rien trouvé de mieux que de nous mettre à l’abri des boches, et prêts à défendre notre peau, car nous ne croyons pas qu’ils fassent des prisonniers de notre peau, quant à l’autre voiture, nous ne savons pas ce qu’elle est devenue’’.


Le Half-Track "COTE 252" du RMT

      Comme ceux-ci voulaient rejoindre leur voiture, nous leur conseillons de nous suivre, car nous-mêmes nous étions un peu avancés, surtout que l’on pouvait partir d’un moment à l’autre. Comme MALHERBE avait cru voir bouger quelque chose derrière des buissons, TRONQUET dégoupille une grenade et la lance en direction des taillis, mais ce devait être une fausse alerte, et pourtant par la suite, MALHERBE ce plaint d’une brûlure à la cuisse et, en effet, il est blessé à croire par une balle, en rentrant il est conduit au peloton sanitaire. Comme nous rejoignons les nôtres, un gars du peloton qui veillait la route, signale que des boches traversent celle-ci afin de se sauver, aussitôt BLANCO, à la mitrailleuse de la jeep ouvre le feu, ainsi que l’auto-mitrailleuse du capitaine BONNET, qui vient d’arriver, mais comme les balles de celle-ci passent au dessus de notre tête et de chaque côté, nous lui demandons de cesser le feu, ce qu’il fait aussitôt, car les boches semblent passés. Nous allons aussitôt fouiller l’autre côté de la route, où nous trouvons un bon nombre de bicyclettes qui auraient servi une fois de plus aux boches pour se sauver, mais les spahis qui viennent d’arriver par cette route les ramassent dans le fossé et les font prisonniers. Pas de veine, ces prisonniers nous passent devant le nez.

      C’est alors que les moteurs se remettent en route que nous allons de l’avant, pendant ce laps de temps le char d’ODEE ‘’Corsaire’’ a essuyé deux obus anti-char qui ne l’ont pas touché. Nous arrivons à un autre carrefour où nous devons garder nos positions. Là, dans le fossé, sont entassés, les uns sur les autres, une vingtaine d’allemands que les cuirs viennent de tuer. Puis comme la nuit nous surprend, nous prenons nos dispositions en cas d’attaque, la mitrailleuse de la jeep est mise en batterie à terre, où nous ferons le quart toute la nuit, encore une nuit que nous ne dormirons pas.

      Puis le jour se lève et vient l’ordre de départ sans que la nuit nous ait apporté de notre côté la moindre attaque. Nous repartons donc en direction d’ALENCON, mais sur la route les voitures s’arrêtent et comme l’on a tout à redouter des boches, le lieutenant LACOIN ordonne aux jeeps de se porter à droite et à gauche de la route, afin de protéger la colonne à l’arrêt. Nous mettons donc nos jeeps en position et nous poussons une reconnaissance à quatre en direction d’un bois proche. LE GENTIL – LE PAGE André et moi-même nous progressons à travers bois, sans faire de bruit où il nous semble avoir une clairière, en effet, dans cette clairière se trouve un château, et notre vue se porte sur un homme qui ne nous a pas encore vu.

      Nous l’interpellons et comme il hésite à s’approcher, nous lui crions que nous sommes Français, l’effet est surprenant, celui-ci accourt aussitôt et en pleurant nous embrasse chacun notre tour. Nous sommes en présence du châtelain, le vicomte Xavier de la BARRE de NANTEUIL, il nous amène en direction du château, d’où ses enfants viennent eux aussi nous témoigner leur joie. Des photos sont prises en leur compagnie, et des bouteilles de champagne qu’ils viennent d’aller chercher sont débouchées et englouties par nos gosiers asséchés. Ils nous racontent ensuite que les boches se trouvaient encore cette nuit dans leur propriété avec des armes anti-chars, et assez nombreux, mais qu’ils étaient partis dès la pointe du jour. Mais voici qu’une voiture vient nous chercher et nous quittons nos hôtes très heureux de respirer librement.

      Arrivés sur la route, nous reprenons nos voitures respectives, mais le lieutenant ne nous témoigne pas ses compliments pour notre absence prolongée à son avis.

 

=== ALENCON ===

      Enfin, nous repartons direction ALENCON, dès que nous arrivons aux portes, les gens, qui se trouvent sur le pas de leurs portes de maison, ne cessent de nous témoigner leur joie ; ils voudraient bien que l’on s’arrête pour accepter un petit coup, mais malheureusement, il ne faut pas s’arrêter. Cette ville avait été évacuée par l’ennemi, peu de temps avant notre arrivée, mais ils reviendront après notre passage pour en être chassés de nouveau par un autre groupement de chez nous. C’est alors que nous abordons la campagne et des ordres arrivent pour s’arrêter, se mettre en position de tir, et veiller. Je suis donc posté avec la jeep auprès du char d’ODEE qui se trouve dissimulé derrière une meule de foin, la jeep la lisière d’un bois proche de la route. Peu de temps après l’infanterie met un canon anti-char le long de la route, en batterie, et les fantassins font une reconnaissance sous bois. Tout à coup : ‘’alerte’’.

      Un motard arrive à plein gaz, malheureusement il a distingué le gars du Tchad t il a le temps de faire demi-tour et de repartir d’où il vient.

      Le char d’ODEE qui n’a pas pu tirer à cause de ces fantassins qui se trouvaient dans son champ de tir, ne se le pardonne que difficilement. Et l’ordre de reprendre la route et de se lancer sur CARROUGES nous parvient ; chacun reprend place dans son véhicule, et toutes les voitures et les chars reprennent leur place sur la route dans la colonne. Et c’est de nouveau le départ.

 

=== CARROUGES ===

      Alors que nous arrivons aux portes de CARROUGES, où l’on entend déjà l’échange du feu de nos fantassins et des boches, un certain nombre de prisonniers sortent on ne sait d’où et se font ‘’faire aux pattes’’, terminé la guerre, encore des heureux ceux-là. Puis on entre dans CARROUGES, où le feu crépite plus que jamais, la ville à l’air défendue, tant mieux, ça va donner. Le Tchad est en plein baroud, les gars ramènent à la Mairie de nombreux prisonniers, plus ou moins éclopés, qui seront interrogés par la suite. En passant, relatons un fait : ‘’deux gars du Tchad qui s’approchaient d’un canon contre-avions où se trouvait un boche avec une jambe en moins pour le diriger vers des soins, mais celui-ci n’entendit pas l’histoire pareille, ils dégoupilla une grenade et la jeta à la figure d’un des deux gars qui tomba mortellement blessé, son camarade, le vengea sur le fait en tuant ce sale ‘’doriphore’’ de son révolver’’.

      Et nous continuons notre route vers l’objectif assigné pour seconder et protéger le char à PROSPER ‘’LANSQUENET’’, nous traversons une place où de nombreux étrangers sont encadrés par les nôtres pour être dirigés vers la mairie ; c’est là ; l’organisation TOD (Organisation TODT). Puis nous arrivons à notre poste, la jeep est placée sur le côté gauche de la route un peu en avant du char à PROSPER qui bat la route. BLANCO est à la mitrailleuse. Alors que je surveille les alentours, car MERIC nous a quittés pour aller arrêter le Maire, collaborateur qui protégeait encore des Officiers allemands. Tout à coup je vois un camion fritz qui recule d’une rue avoisinante et qui va nous échapper, je fais feu plusieurs fois dans la cabine après avoir prévenu BLANCO d’être prêt à sa mitrailleuse, le camion s’arrête et je ne vois plus de chauffeur, l’ai-je tué, a-t-il pu se sauver, ce que je veux me rendre compte aussitôt, et si possible prendre le camion pour le peloton, mais le Lieutenant LACOIN ne m’en laisse pas le temps, car il m’envoie du côté contraire protéger le char à LEROUX ‘’Flibustier’’. Le Lieutenant monte dans la jeep, et nous allons vers notre nouveau poste.

      Arrivé près de celui-ci, le Lieutenant m’envoie pousser une reconnaissance en avant pour voir ce qu’il y a. A peine avons-nous fait 500 mètres que nous sommes pris pour des boches qui se sauvent, par les nôtres qui arrivent à la ville et nous essuyons sans pouvoir répondre, bien entendu, un feu très nourri de toutes armes, une solution nous reste à tous de laisser passer l’orage en se glissant sous la jeep, ce que nous faisons aussitôt. Mais comme le feu à l’air de se rapprocher, nous employons le klaxon pour nous faire reconnaitre, puis comme une accalmie nous permet de sortir la tête, nous sautons dans la jeep, nous faisons un demi-tour sur l’aile et nous partons rendre compte au lieutenant. Celui-ci nous conseille de prendre un drapeau Français et de retourner, ce que nous faisons aussitôt  d’ailleurs il vient avec nous, mais pour la deuxième fois, nous faisons demi-tour, car la route est bien gardée par les nôtres, et rien ne pourrait passer, nous sommes tranquilles sur ce point. Alors que nous rejoignons notre char, nous voyons l’équipage de celui-ci sortir de la maison auprès de laquelle il se trouvait, trois boches très penauds. Ceux-ci ne cessent de s’écrier : ‘’ Nix S.S Nix S.S, Polande Polande’’, évidemment c’est une bonne solution pour ne pas être tués sur le champ, enfin ils iront rejoindre leurs camarades à la Mairie où ils seront interrogés, c’est là que nous les emmenerons.

      Puis nous formons de nouveau une colonne sur la route, pour nous installer à la sortie de la ville afin de passer la nuit. Les nouveaux cantonnements, si l’on peut dire, sont répartis ; notre peloton et le P.H.R. (Peloton Hors Rang) se trouvent ensemble, les voitures sont rangées le long des haies et sous les arbres soigneusement camouflées. Chacun, c’est-à-dire la plupart creuse des trous individuels, car nous aurons sans doute des nouvelles d’ici peu de nos copains d’en face. En effet, au cours de la nuit, plusieurs obus nous arrivent dessus, aucun mal chez nous, mais dans les autres régiments, des voitures sont touchées et flambent aussitôt et l’on entend les munitions qui se trouvaient à bord de ces véhicules exploser dans la nuit. Il a été dit que la nuit serait mouvementée, car les avions de reconnaissance ennemis ronronnent au-dessus de nous afin de nous repérer. Le lendemain, nous restons sur nos positions, dans la matinée tout un régiment d’Allemands vient se constituer prisonnier, le capitaine en tête, malheureusement tous les régiments ne sont pas pareils.

      Puis à la tombée de la nuit, nous reprenons la route comme à l’habitude tous feux éteints. Au petit jour, nous nous trouvons pas très loin d’ARGENTAN, et c’est sur de nouvelles positions que nous nous installons. Toujours les mêmes précautions à prendre en vue du camouflage ; là, nous resterons deux ou trois jours, et à la fin de ce dernier jour, nous assisterons à l’horizon à une bataille de chars de chez nous avec des chars allemands, mais pas de notre groupement, la victoire revient aux nôtres. Sur ces entrefaites nous apprenons que les Américains approchent de PARIS rapidement, est-ce que nous serions oubliés ?

      Pour le coup, nous ne serions pas contents, car nous espérons bien participer à la prise de la capitale, mais par contre on nous assure que nous serons dans le coup, et nous attendons avec impatience le départ.

 

== ARGENTAN ==

            Les Anglais venant du côté de ROUEN ont fait la liaison avec la D.B. et les Américains à ARGENTAN, encerclant de très nombreuses divisions Allemandes déjà à moitié décimées, celles-ci ne sortiront plus de la car elles seront toutes anéanties l’une après l’autre, les avions alliés auront leur part dans cette réussite. L’ordre nous vient le lendemain matin de nous ranger sur la route pour le grand coup ‘’PARIS’’, mais nous devons faire vite, car les Américains avancent toujours rapidement vers la capitale.

            Nous sommes rangés sur le bord de la route prêts au départ, que tout à coup une vague de chasseurs allemands nous tombent dessus, eux-mêmes poursuivis par des chasseurs américains, comme les balles sifflent de tous côtés, nous avons à peine le temps de sauter des voitures pour nous mettre dans le fossé qui borde la route, que plusieurs sont déjà blessés ou morts, un africain de chez nous est blessé grièvement au cou et BLANCO qui tout à coup m’appelle : ‘’RACK – RACK – RACK’’. Je le vois sortir de derrière la jeep, ll a du sang qui lui coule de la tempe droite. Je suis un peu affolé de le voir ainsi ; et alors que l’on nous commande de démarrer, je ne sais plus où je suis, cà m’a fait tellement une drôle d’impression d’être appelé ainsi par mon camarade de voiture qui se trouve blessé. Je l’aimais tant ce brave BLANCO qui n’a pas hésité à quitter les siens pour nous rejoindre, afin de continuer comme nous la lutte et à délivrer son pays. Mais ma peine est de courte durée, car je le vois un peu plus loin sur le bord de la route qui soutient son camarade blessé au cou et qui me crie au passage :’’ Ne t’en fais pas RACK, ce n’est rien, on n’est que superficiel’’. Me voilà donc rassuré.

            Mais nous voilà maintenant que tous deux MERIC, heureusement un peu plus loin, le Lt LACOIN, au cours d’un arrêt me donne un africain comme mitrailleur. Et de nouveau la nuit nous surprend en marche, mais le temps est gris, et la pluie nous surprend au cours de la route, malheureusement il ne faut pas s’arrêter avant de rencontrer l’ennemi.

            Au cours de la nuit des alertes avions sont signalées et ne succèdent ; les avions lancent des fusées, afin de mieux éclairer la route ils jettent des bombes qui feront encore des victimes dans les autres régiments. Et le jour se lève avec la fin des alertes. Nous traversons les villes et les villages chaudement acclamés par la population, dans l’un d’eux, une jeune fille lance un bouquet de roses dans la voiture qui nous précède, mais elle n’a pas compté sur les épines et je vois MANNET qui s’essuie le sang de la figure, dégât un peu fâcheux, occasionné par ces épines. Comme je rigole et que je ne prends pas garde autour de moi, une bouteille de vin (du bon d’ailleurs) m’arrive au creux de l’estomac, je peux même plus dire ouf ! mais je me console un peu, quand j’aperçois notre divine bouteille intacte qui est glissée sur mes jambes, au fond je dis : ‘’Merci quand même pour les généreux donateurs’’.

            Et de nouveau vient la nuit, sans alerte cette fois, mais nous nous trompons de route, et nous revenons sur nos pas, pour reprendre la bonne. Alors qu’un stop brusque est réalisé, CAMOIN défonce le radiateur de son Deutch (Dodge ?) dans le croc du char qui le précède. Il attendra à cet endroit le dépannage.

            Et le jour se lève, avec lui l’espoir d’être séché au soleil car nous sommes tous trempés jusqu’aux os, car au cours de la nuit, comme la précédente il n’a pas cessé de pleuvoir. Nous arrivons dans la région de CHAMPLAN, ceinture autour de PARIS, âprement défendue par les boches. Nous sommes le 24 AOUT 1944. A ce moment se fait une halte et nous devons redoubler de vigilance, car nous sommes dans le camp ennemi. Nous avons fouillé au cours d’une halte précédente un camion allemand, où j’ai eu le bonheur de trouver une boite de cigares et ninas, il ne m’en fallait pas plus pour faire l’Américain, et être heureux ; nous pourrons toujours dans la jeep fumer des cigares au lieu des cigarettes américaines qui commencent à nous irriter la gorge. Les chars sont mis en position de tous les côtés :

 

‘’ ARRET BUFFET – CHAMPLAN ‘’

            Pour les jeeps l’ordre est de veiller ; près de nous se trouve un talus, nous grimpons donc sur ce talus à plusieurs, à peine sommes-nous à la crête que de nombreuses balles nous sifflent aux oreilles, après avoir rendu compte, nous nous couchons derrière ce talus, observant prêts à faire feu, car devant nous se trouvent des arbres fruitiers et nous n’y voyons que goutte. Des balles de temps en temps nous font baisser la tête. Mais le capitaine BONNET, qui en a assez, nous prend à plusieurs avec le lieutenant LACOIN pour contourner ce talus et faire prisonniers si possible ces opiniâtres résistants. TERRAL arrive, lui, avec un F.F.I. et 5 prisonniers qu’il vient de faire. Il se fait enguirlander par le capitaine pour être parti seul et sans ordre ; mais au fond, il a le droit quand même à un sourire qui veut en dire long.

            C’est alors que nous montons vers le repaire des résistants. Nous progressons en vue du sommet sans qu’aucun coup de feu ne nous parvienne, et en contournant la butte, nous arrivons au sommet, là, les boches sortent de leur trou et arrivent se rendre sans résistance. On se partage la besogne avec les gars du Tchad.

            ‘’En ce lieu de CHAMPLAN, j’aurai ma citation à l’ordre de la division. »

            Et ce travail une fois terminé, nous retournons aux voitures afin de progresser en avant. LE MOHER, lui, a trouvé une bonne bouteille que ces ‘’salauds’’ n’ont pas eu le temps de boire. Et la marche sur PARIS reprend, la nuit nous surprend toujours en train de rouler, tous feux éteints, bien entendu.

 

== : PARIS : LE BOURGET : ==

            Puis le grand jour arrive. Le soleil est assez haut quand nous pénétrons dans PARIS par la porte d’ORLEANS. Nous avons été mouillés encore toute la nuit, mais nous serons vite séchés en cet heureux jour car déjà le soleil se lève à l’horizon. La population ne cesse de nous témoigner sa joie de nous voir arriver, et malgré que nous sommes sales, les figures pleines de poussière et de cambouis, nous sommes submergés par des femmes qui viennent nous embrasser et des hommes non moins enthousiasmes qui nous disent :

‘’C’est bien çà les gars ; il était grand temps que vous arriviez dis-donc, t’as pas une cigarette ?’’.

            Et nos réserves de vivres et de cigarettes, bonbons et friandises amassées pour ce grand jour, partirent rapidement. Malheureusement, à ce transport de joie délirante, doit s’ajouter les balles des traitres miliciens et Allemands déjà habillés en civil, retranchés dans PARIS.

            Ce fut pour nous et les F.F.I. contre ces derniers des échanges de coups de feu sur les toits et dans les maisons. Parfois, la foule était prise comme cible par ces bandits, et nous pouvons voir tomber, aussi bien femmes, enfants que les hommes mortellement blessés. Pour l’arrêt se fit rue de Rennes ; c’est là que nous avons passé la nuit. Le lendemain ce fut la prise de Luxembourg pour nous où malheureusement l’un des nôtres y fut gravement blessé. Nous avons pénétré dans le Luxembourg pour recevoir la reddition des Allemands. Et ce fut de notre ressort de garder les armes prises à l’ennemi. Je fus mis à l’école militaire pour garder un de ces dépôts d’armes et de munitions de toutes sortes et ma garde écoulée, je vis la relève arriver bien heureux, car à tous moment j’étais submergé par des hommes et des femmes sois-disant F.F.I. qui voulaient prendre des armes.

            Mais comme tout le monde pouvait arborer un brassard F.F.I. et prendre des armes pour tirer sur les bons Français, ma conscience et la consigne ne me permirent pas de donner des armes, surtout que la garnison allemande venait de se rendre au Général LECLERC. Puis la tombée de la nuit arriva et nous sommes allés coucher à l’école militaire. Mais ce n’était pas le repos, car après une chaude alerte dans la nuit, le lendemain matin nous montions vers le BOURGET encore occupé par les boches. Après avoir passé la porte de LA VILLETTE, nous sommes arrêtés à l’entrée du BOURGET, les gens sont apeurés et encore tremblant car les otages et les petits gars F.F.I. ont été fusillés par les boches la veille comme représaille.

            Et voici que je crois être l’objet d’un rêve, mais non, c’est bien BLANCO, mon mitrailleur qui revient à son poste dans l’’’Intrépide’’. Oui, en effet, après avoir reçu des piqures qui lui ont guéri sa blessure, ll s’est empressé de revenir, sans même prendre sa convalescence. C’est vrai que lui aussi avait bien envie de libérer PARIS et d’avoir sa part de ‘’bécos’’.

            C’est alors que nous repartons avec l’équipage au complet sur le BOURGET, suivant nos chars toujours comme de bons et fidèles gardiens.

            Au BOURGET, les boches viennent une fois de plus de montrer leur traitrise car après avoir arboré des drapeaux blancs et levé les bras en l’air en signe de reddition, ils font feu à la mitrailleuse sur les gars descendus des chars pour les faire prisonniers. Mais leur joie sera de courte durée, car nos chars qui viennent de monter sur le camp d’aviation vont les tuer tous sans pitié, tant pis, pars de prisonniers pour aujourd’hui.

            Malheureusement, dans le secteur où nous sommes, il n’y a plus que des cadavres que nous ne pouvons tuer pour la deuxième fois. Puis la nuit ne passe ainsi sur des revenants. Le lendemain, nous redescendons de ligne, car les Américains sont passé devant nous dans le secteur très nombreux et attaquent en direction du nord. Le travail de ce côté était fini pour nous, nous allons prendre quelques jours de congés bien mérité, je crois, dans les nouvelles écoles du BOURGET pour le 3ème Escadron du R.B.F.M. Nous étions bien heureux de pouvoir nous laver comme il faut, se changer de tenue et surtout de pouvoir se baigner, car il y a, à ces nouvelles écoles, une piscine et je ne suis pas le dernier à sauter dedans.

            Et les jours se succèdent ainsi, nous sommes un peu en foire et en fête, nous descendons à PARIS quand nos ne sommes pas de service comme l’on dit : tout beau, tout nouveau. En effet, les premiers jours on nous fait réception, on nous paie le coup, mais les Français oublient vite, trop vite même, car bientôt nous ne serons même plus regardés. Mais les bals où l’on danse avec les Parisiennes et les filles du BOURGET nous font oublier nos soucis.

            Au cours d’une permission de la journée, je réussis à me rendre à ORLEANS pour voir ma famille, quelle joie pour eux de me revoir depuis 6 ans que j’étais parti et sans nouvelles depuis 3 ans. Mon retour se fait toujours en stop, dans un camion de poires, là je me régale un peu et je rentre le soir au BOURGET avec un peu plus d’espoir d’en finir de cette sale guerre et heureux d’avoir vu les miens en bonne santé. Puis, après un beau bal donné au BOURGET par nous, le jour du départ arriva, pour certains qui s’étaient fait de petites relations féminines, c’était des pleurs et des grincements de dents, car elles ne reverront peut-être plus leurs petits LECLERCS ; enfin elles se consoleront avec les Américains.

            Et l’heure du départ arrive, le capitaine BONNET donne l’ordre de la mise en route des moteurs et nous prenons la marche vers l’aventure et vers notre destin.

            Le bon vin auquel nous avions pris goût à PARIS se fait de plus en plus rare et plus cher au fur et à mesure que nous avançons vers l’Est.

            Nous parcourons pour l’instant des villages occupés et libérés par nos alliés américains. Dans un village où nous passons, des ouvriers d’une usine de VERMOUTH sont jalonnés le long de la route avec des caisses et ils nous donnent au passage à chaque voiture une bonne bouteille de Vermouth. Ces bouteilles que nous goûtons aussitôt d’ailleurs portent une étiquette ‘’Interdit à la vente, réservé à la WERMACHT’’. La dégustation n’est plus faite pour ces fines gueules désormais.

            Et les jours et les nuits se succèdent toujours en nous éloignant de la capitale, mais en remplissant le devoir sacré que nous nous sommes assignés de libérer la FRANCE et de poursuivre l’ennemi jusqu’à la fin des hostilités. Nos nuits sous les passons parfois en voiture, dans les granges ou dans les maisons suivant l’hospitalité des habitants.

            Et un beau jour, le contact arrive, l’ennemi se trouve en face de nous ; CHATEL et les autre villages environnants sont pris, la Meurthe est franchie, tout çà non sans dégâts, car les cimetières français auront maintenant de nouveaux pensionnaires. Et un but arrive pour nous ‘’Moyen’’ ne connaissant pas le nombre d’ennemis qui occupent ce village nous montons sur une butte qui domine ce village, avec nos voitures et nos chars où nous constatons que l’ennemi est en train de détruire leurs ouvrages ainsi que les fils électriques et téléphoniques, nous commençons à les arroser de nos rafales ce qui les empêchent de finir leur destruction. Puis nous descendons de cette butte en vue d’un petit pont que nous croyons miné, car les chars des cuirs arrivent, eux par la route. Ne constatant rien d’anormal sous ce pont qu’une charrette en travers de la route que nous enlevons à bras, avançons vers le village ayant passé tous sous le pont sans embûche.

            Nous rentrons dans le village en même temps que ceux qui arrivent par la route. Un capitaine qui est venu nous demander si la route passant sous le pont était minée, le lieutenant de chez nous lui répond que nous y sommes tous passés, malheureusement, le premier char des cuirs qui s’y engage saute sur trois mines et le char de dépannage qui veut le retirer sur deux mines. Je crois que nous l’avons échappé belle surtout avec les jeeps. Nous passons la nuit dans un village, mais au cours de la soirée, vers 21 h, alors qu’il fait déjà nuit, MANNET qui est de quart à la jeep l’’’Entreprenant’’ donne l’alerte en tirant à la mitrailleuse sur deux voitures allemandes venant vers le village, ne croyant sans doute pas que nous étions déjà là. Les prisonniers se rendent sauf un de ceux-ci qui s’est caché et qui est blessé à la jambe, mais dès que le jour se lève, il vient à son tour, tout tremblant se constituer prisonnier. Comme les autres ont été conduits à l’arrière, nous le gardons pour la journée afin de remettre les voitures prises dans la nuit en état de marche. Il ne s’en tire pas trop mal et avec l’aide du P.H.R. ces deux voitures reprendront la route.

            Une moto allemande que nous avons trouvée également nous servira aussi, mais pour peu de temps, car deux des nôtres, en voulant faire une balade l’enverront au tas de ferraille et eux à l’hôpital pour quelques jours.

            Et nous repartons de MOYEN dans la journée pour franchir la Moselle, pas trop éloignée, ce qui ne se fait pas sans mal, car les obus allemands ne cessent de pleuvoir de tous côtés. Et nous passons à MENIL, à FLIN où les maisons ont été brûlées sur ordre des Allemands.


Les éléments de la Divisions franchissent la Moselle à gué (15 septembre 1944)

            Dès la Moselle franchie, nous passons CHENEVIERES et ST-CLEMENT, là nous tournons sur la droite et nous traversons un bois pour arriver à

TIEBAUMENIL

que les Allemands viennent de quitter, le lieutenant LACOIN tire à la mitraillette sur 3 boches qui n’ont pas eu le temps de partir, ceux-ci se rendent aussitôt, l’un d’eux est blessé à la jambe, nous les évacuons vers l’arrière. Et les obus boches arrivent maintenant régulièrement, c’est vrai que nos obusiers leur rendent la réplique.

            Nous sommes dans ce village avec le Tchad. La nuit se passe après une petite alerte où l’un de nos chars ‘’a tiré sur une Panthère qui a réussi à nous fausser compagnie’’. Et le lendemain arrive avec un ordre d’essayer une attaque sur MANONVILLIER (Manonviller) après avoir fait une reconnaissance où nous croyons le village abandonné. Nous attaquons en passant par les bois, mais à peine sommes-nous en vue du village de MANONVILLIER (Manonviller) que les obus de tous calibres tombent autour de nous sans arrêt. Un allemand caché dans le bois près de nous tire à la mitraillette dans notre direction, les balles nous sifflent aux oreilles, mais nous ne pouvons tirer, car nous ne voyons pas d’où les coups viennent dans ce vacarme de mortiers éclatant de tous les bords. Deux gars du Tchad qui se trouvaient près de nous sont blessés tous deux au bras par ce maudit tireur isolé, un fanatique sans aucun doute.

            N’ayant pu arriver au village, et ayant eu de grosses pertes du côté infanterie, nous recevons l’ordre de retourner à TIEBAUMENIL. Là, nous sommes relevés le lendemain par les cuirs, ainsi que les gars du Tchad fortement éprouvés. C’est ainsi que nous allons nous installer au village de CHENEVIERE, car toute la D.B. est trop avancée dans le dispositif allemand, et nous sommes obligés d’attendre sur nos positions la stabilité du front. Nous sommes soi-disant au repos, mais toujours susceptibles d’être attaqués par l’ennemi.

            Chaque matin et chaque soir, nous recevons notre briffeast (breakfast) et notre diner (Dinner), mais pas comme nous l’aurions voulu, car ces repas avaient du mal à être digérés, notre artillerie ne répondait, elle que dans la journée. Il faut que nous ouvrons l’œil et le bon car les espions allemands en civil ne cessent de circuler dans le pays et viennent même en tenue jusque dans nos lignes pour se renseigner sur nos effectifs. C’est vrai que nous leur rendons la pareille en allant surveiller leurs déplacements chez eux. C’est ainsi que le peloton, comme les autres de chez nous et des autres régiments, nous allons la nuit dans leurs lignes armés de mitraillette et de grenades. Au cours d’une patrouille un gars de chez nous est fait prisonnier, il s’agit de BOUCHESSEICHE.


Les boites de rations, Breakfast et Dinner

            Parfois des coups de feu sont échangés entre patrouilles. Au cours d’une autre patrouille, le 1er Peloton fait deux prisonniers, ceux-ci sont interrogés et nous apprenons qu’en général leurs patrouilles sont composées de deux hommes avec un chien. Une autre fois, nous étions partis avec le lieutenant DE SIVRY en patrouille, après avec été mouillés et courbaturés dans notre position de veille sans avoir rien et rien entendu, pas même la patrouille qui devait nous relever ; c’est vrai qu’il faisait un sale temps, une vraie tempête, comme disent les marins après avoir attendu jusqu’à une heure avancée de la nuit, nous nous sommes décidés à revenir par un autre chemin, pour ne pas tomber dans une escarmouche, mais les difficultés s’annoncèrent au fur et à mesure de notre retour, nous ne savions pas au juste où nous allions. Nous étions en file indienne, l’un près de l’autre, sur le qui-vive dns une nuit sans lune, et nous traversions des enclos de fils de fer barbelés qui servaient auparavant à parquer des bestiaux, puis nous abordons la forêt où parfois nous tombons dans un trou en étouffant un juron. Tout le long du chemin, nous risquions de tomber sur des mines posées par les nôtres ou par les allemands.

            Quelle joie pour nous lorsque nous retombons sur la route qui conduit à CHENEVIERES, mais nous n’étions pas encore très sûrs de ne pas nous faire accueillir par le feu du poste avancé dans le bois où se trouvent des F.F.I. Mais le contact se fait sans encombre et nous passons le poste facilement pour reprendre nos voitures qui nous attendaient, un peu impatiente ma foi, comme leurs chauffeurs. Et nous rentrons au village avec plus de 3 heures de retard, tous trempés et crottés jusqu’au ventre mais heureux d’être arrivés.

            Les camarades sont heureux de nous revoir, car ils nous portaient bien disparus. Nous faisons un bon chocolat et nous enfilons d’autres vêtements avant de nous glisser dans nos couvertures et sur notre botte de paille qui nous sert de lit, car il est déjà 1 heure du matin.

            Le lendemain nous apprenons que la patrouille venue nous relever s’était placée un peu plus loin que nous et que celle-ci avait été sur des feux ardents toute la nuit, vu qu’elle ne nous avait pas vu à la relève.

            Ce pays de CHENNEVIERES n’est pas près de s’effacer de ma mémoire car c’est dans ce village que je fis la connaissance de celle qui sera ma femme.

            Puis un soir nous apprenons la mort d’un brave gars de Corse SCOTTO qui portait le courrier à ses camarades, heureux lui-même d’avoir reçu la première lettre de sa mère depuis son départ de la Corse. Il est mort sans douleur d’un éclat de mortier au cœur. Et tous les jours à CHENEVIERES, comme ailleurs, s’allonge la liste des blessés et des morts. Pendant ce long mois passe à CHENEVIERES, nous avons eu quelques permissions de la journée pour nous rendre à LUNEVILLE ou à NANCY.

            Puis un beau jour, l’ordre arriva d’être prêts à appareiller j’oubliais de dire que c’est dans ce village que nous avons reçu la ‘’fourragère rouge’’, que portaient nos anciens de 14-18, des mains du Ministre de la Marine ‘’Monsieur JACQUINOT’’ pour notre belle conduite au feu. Et c’est ainsi que l’heure du départ arriva un soir, en quelques minutes les voitures furent chargées et rangées sur le bord de la route. Puis le départ arriva, par pour bien loin ce soir-là, jusqu’aux portes de FLIN. Nous passerons encore une nuit dans les voitures.

            Et le lendemain le soleil se lève, ainsi que le martellement continu et infernal de notre artillerie et de celle des Américains sur l’objectif qui nous hante depuis un mois : ‘’BACCARAT’’. La ville où GOERING est venu spécialement commander un service de cristal de 200 pièces environ, mais il ne verra jamais la finition de ce service, car je crois que LECLERC se chargera de l’expédition.


Hermann Goering

            Nous nous mettons en route en passant par un chemin à travers bois, car la route conduisant de FLIN à BACCARAT est entièrement minée et sous le feu des canons Allemands. Nous dépasserons un Haff-Track (Half-Track) qui vient d’être fichu en l’air et qui finit de se consumer, certainement  qu’il y a eu en ce lieu des blessés et des morts.

 

== BACCARAT ==

            Puis nous obliquons vers la droite et nous apparaissons dans la pleine à l’Est de BACCARAT, mais il est tombé de l’eau ces derniers jours et une soixantaine de véhicules de toutes sortes s’embourbent, moi-même avec la jeep, je suis embourbé et c’est CAMOIN avec son Deutch qui me sort de là. Puis nous rattrapons nos chars sur la route. Quelques allemands fanatiques qui n’ont pas voulu se rendre paient de leur vie notre avance. Comme nos chars sont en position de tir et arrêtés, nous nous mettons en bordure du bois afin de surveiller celui-ci.

            C’est alors que nous découvrons des tranchées où les boches étaient il y a quelques instants, mais qu’ils ont dû quitter pour s’enfuir à la vue de notre matériel. Nous voyons également, mais un peu tard que nous venons de passer sur un fil que nous supposons piégé, mais nous n’avons pas le temps de vérifier car nos chars se remettent en route, nous repassons donc une 2ème fois dessus sans hésitation, mais sans quelques appréhensions.

            Et nous continuons notre route, sans passer à BACCARAT, car un autre groupement s’en occupe.

            Notre but sera de prendre plusieurs villages à l’Est. Des anti-chars sont détruits, des prisonniers sont faits, les villages sont pris mais les obus boches nous suivent pas à pas et font de sérieux dégâts dans notre colonne. Si ce n’était que les obus, çà irait encore, mais nous apprenons à connaître ‘’le train bleu’’, et ‘’la vache’’ autrement connu sous le nom ‘’les orgues de Staline’’.

            Puis nous rentrons dans notre village assigné en ruines, pour passer la nuit, nous avons atteint le but de l’attaque. Les maisons continuent de se consumer sur des braises, les habitants de ces villages ont été emmenés par les boches. La nuit, étant de quart à tour de rôle, nous faisons du jus et du cacao sur les radiateurs, pour nous réchauffer car il fait très froid, alors que les obus allemands ne cessent de tomber de ci- de là, faisant toujours de nouvelles victimes.

            Le lendemain nous nous établissons dans une maison à l’entrée du village qui a été épargnée. Là, les uns et les autres s’occupent de faire la cuisine et le ménage, les indigènes de chez nous tuent une vache qui était destinée à mourir, nous la mangerons, cela changera de l’ordinaire. Tous les habitants qui ont été emmenés par les boches, leur serviront à travailler pour leur défense, s’ils ne sont pas incorporés de force ou envoyés en Allemagne, et beaucoup ne reverront jamais plus leurs villages.

            Hélas, en France, les Français ne sauront jamais les souffrances que ces Lorrains et Alsaciens auront enduré durant cette terrible guerre.

            Puis le troisième jour, nous sommes relevés, car l’escadron doit se rassembler à BACCARAT. Arrivés, dans la ville nous sommes chaudement accueillis et nous logeons chez les habitants. Quelle joie pour nous de dormir dans des lits avec des draps blancs, il y a si longtemps que nous n’avons eu cette aubaine. C’est ainsi que nous passons à BACCARAT une dizaine de jours, évidemment il faut attendre que les Américains mettent leur front à la même hauteur que nous. Puis un beau jour l’ordre nous est donné de nous déplacer, nous nous rendons dans un petit village pour nous préparer à un nouveau bond en avant.

            L’attente n’est pas longue, car alors que nous nous apprêtions à coucher au village, l’ordre arrive de nous remettre en route. Quelle destination ? Voici la question de tous, soi-disant pour une grande attaque rapide, le but STRASBOURG, par SAVERNE.

            Nous reprenons donc la route tous feux éteints ou avec les yeux de chat.


Leclerc trinque dans la cristallerie de Baccarat

 

=== SAVERNE ===

            Dans la nuit, nous passons des villages qui sont remplis de voitures et de chars américains, nous apprenons par la suite que c’était deux D.I.A. qui nous seconderaient dans l’attaque vers la capitale de l’Alsace.

            Le lendemain, nous arrivons à SAVERNE sans casse car un groupement nous précède cette fois, nous sommes bien accueillis, surtout que nous nous arrêtons devant un café, qui sera notre cantonnement. Au cours de la journée, nous faisons une patrouille composée de l’auto-mitrailleuse du Lieutenant LACOIN et des 4 jeeps du peloton, en haut du col où est installé un chalet de plaisance, que les boches viennent de quitter, les patrons nous servent une petite collation. Puis nous redescendons à notre cantonnement où nous apprenons l’ordre de nous remettre en route pour déboucher dans la plaine d’Alsace et de prendre :

 

=== STRASBOURG ===

            Nous apprenons également qu’un sous-groupement composé d’environ 300 hommes nous précède, c’est l’avant-garde, car 3 groupements dont le nôtre vont se diriger et se ruer vers la capitale de l’Alsace par trois directions. Le long de la route, nous pouvons voir de nombreux convois de voitures allemandes immobilisées et détruites à jamais pour l’Allemagne. Puis les faubourgs de STRASBOURG apparaissent le lendemain matin, alors qu’il ne fait pas encore jour ; toutes les voitures sont rangées le long des avenues en attendant de rentrer dans la ville dès le lever du jour et de combattre les boches qui résisteront à notre victoire.

            Dès que le jour commence à pointer à l’horizon, nous nous dirigeons chacun vers notre itinéraire, alors que les Strasbourgeois rêvent encore à leur délivrance, notre peloton et un peu d’infanterie pour tenir deux ponts sur le canal, afin d’empêcher les éléments ennemis de faire du sabotage et de revenir dans la ville. Puis la fusillade cesse peu à peu, car les ennemis se rendent, entre autre le Général Allemand et son état-major sont fait prisonniers.

            Mais les obus allemands de tous calibres commencent à pleuvoir sur la ville, venant d’Allemagne notamment autour de la cathédrale où flotte maintenant le drapeau Français. ‘’Le serment de KOUFRA a été tenu par le Général LECLERC’’. Puis notre relève s’effectue et nous prenons un cantonnement dans un grand immeuble que les Allemands habitaient encore hier. Les lits sont confortables et les bienvenus.

            Et la vie à STRASBOURG commence pour nous où nous resterons quelques jours en attendant la relève des Américains qui ne nous ont pas encore rejoints, étonnés de notre avance foudroyante.

            Nous sortons en ville, mais toujours sur le qui-vive, car bon nombre d’Allemands restent cachés le jour et sortent la nuit pour tirer lâchement nos sentinelles de veille. Un stock de pull-overs, souliers et autres, notamment tabac, cigarettes, cigares et chocolat, a été trouvé et chacun est heureux, car la distribution faite par les soins de la compagnie est la bienvenue pour tout le monde, c’est ainsi que chacun arbore aussitôt un pull-over destiné aux boches.

            Puis les rondes s’effectuent dans les locaux où habitaient des Allemands, c’est ainsi que les uns rapportent des poignards S.S. ou S.A. des révolvers et des bonnes bouteilles que nous dégusterons à la santé de nos collègues d’en face qui doivent faire une drôle de bobine, en pensant à tout ce qu’ils ont été obligés de laisser sur place. Puis, un beau jour, c’est la relève, les Américains arrivent et nous devons leur laisser la place pour continuer notre tableau de chasse. Plusieurs groupements sont constitués et se dirigent vers le sud. Notre sous-groupement passe aux mains du Capitaine BONNET de chez nous qui attaquera !

 

GUERCHTEIN et HOSTHOUSE

            Ce jour-là, le brouillard était très épais et notre chef attendait qu’il se dissipe un peu pour attaquer. Le moment arriva où l’ordre fut d’attaquer ; toutes les voitures qui étaient rangées sur la route, reçurent l’ordre d’aller de l’avant en tout terrain. Quel beau spectacle de voir toutes ces jeeps et autres voitures ainsi que les chars se ruer vers l’objectif à toute allure afin d’empêcher l’ennemi de réagir et de tenter de se sauver. Malheureusement, on enregistre encore des victimes mais l’attaque a réussi et a été à merveille ; les prisonniers sont gardés soigneusement à vue toute la nuit, car nous passons cette nuit dans ce village. Puis, avec le jour, nous repartons vers un village voisin où nous allons une fois de plus nous faire sonner les cloches, car après cette nouvelle attaque, de nombreux chars et véhicules sont endommagés par les boches à coups de ‘’bazouca’’ (bazooka) et à la mairie de nombreux corps de camarades s’alignent ; ceux-là ne nous suivront plus désormais dans notre marche vers la victoire. LE PAGE est blessé. Mais la relève s’effectue par les cuirs et nous repartons vers de nouveaux objectifs plus à l’Est BOBESHEIN – Obenheim – Frisonheim.

            Nous venions de passer BEBESHEIN et nous étions sur la route rangés les uns derrière les autres. Le premier peloton de chez nous attaquait avec de l’infanterie OBENHEIM et FRISONHEIM.

            Le capitaine des cuirs GAUDET vint nous trouver pour voir le Capitaine de chez nous BONNET ; celui-ci demanda à notre capitaine une jeep pour aller faire une reconnaissance, soi-disant pour faire la liaison, avec un autre groupement sur un petit pont situé à 2 kms plus à l’Ouest sur la droite d’OBENHEIM.

 

=== BOBESHEIN – OBENHEIM – FRISONHEIM ===

            Les Lieutenants LACOIN et CASSIN, ce dernier venant d’arriver, proposent d’y aller, ce qui est accepté par le capitaine BONNET ; mais celui-ci qui est très prudent désigne ma jeep mitrailleuse ‘’L’INTREPIDE’’ pour les seconder. Nous passons dont en deuxième position derrière l’autre jeep radio.

            C’était le 2 Décembre 1944. Nous rentrons donc dans le village d’OBENHEIM, et nous tournons vers la droite en direction de la forêt où doit se trouver ledit pont. A environ 20 mètres avant d’arriver au pont nous nous arrêtons et le capitaine GODET nous conseille de faire faire demi-tour aux jeeps, prêts à repartir. Comme auprès du pont se trouve quelques maisons et que rien ne laisse présager la présence des habitants le Capitaine nous conseille de fouiller les alentours. Dès que nous étions arrivés, j’avais remarqué un petit blockhauss sur la gauche, et j’avais cru voir passer une ombre dedans. Je l’avais signalé au lieutenant LACOIN qui m’avait répondu : ‘’Bah ! ce n’est rien. C’est sûrement un villageois’’.

            Mais ce dernier voulait se rendre compte par lui-même et alors que nous revenions, BLANCO – MERIC et moi, de contourner les maisons sans rien trouver ; il signalait à son tour qu’il venait de voir passer dans le blockhauss un individu. Mais comme à ce moment plusieurs obus de mortier nous tombent de tous côtés et que nous n’avions plus rien à faire, le Capitaine nous dit de rejoindre les jeeps. Alors que nous allions attendre le talus pour monter sur la route un peu surélevée, une fusillade des plus nourries ! ta - ta - ta - ta - ta - ta - ta - ta - ta - ta - ta – nous passe au-dessus de la tête venant du blockhauss situé à environ une vingtaine de mètres de nous.

            Aussitôt chacun s’accroupit et rampe près du talus pour se protéger un peu, puis nous occupons des trous faits par les boches le long de la route mais le lieutenant LACOIN est blessé au poumon, il arrive néanmoins, lui aussi, dans un trou.

            Que pouvons-nous faire maintenant ? nous ne pouvons même pas nous défendre, car en s’accroupissant par terre nos armes ont été bouchées par la terre et la boue et nous ne pouvons plus nous en servir. Le Capitaine annonce donc qu’il faut que l’un d’entre nous essaye de monter dans une jeep pour aller chercher du renfort. Je crois bon de lui faire remarquer que c’est de la folie, car le premier qui monte sur la route sera aussitôt une passoire. La seule solution pour aller chercher du renfort est de ramper le long du talus, c’est ce que je fais aussitôt.

            C’est alors que levant la tête un peu, nous voyons nos jeeps en feu, car les boches viennent de les allumer avec leurs balles incendiaires. Je pars donc en rampant et me reposant de trou en trou, c’est là que je suis un peu à l’abri des balles qui me sifflent aux oreilles sans arrêt et des mortiers qui éclatent de tous côtés et toujours de plus en plus nombreux ; évidemment les boches voudraient bien en finir avec nous, mais il faut croire que ce ne sera pas encore pour cette fois.

            A chaque trou donc je souffle un peu, je bois une gorgée d’eau de mon bidon individuel, je constate si je ne suis pas blessé et je me demande si je pourrai arriver jusqu’au bout, car je crois même que l’un des boches est passé de notre côté de la route et qu’il m’ajuste comme un lapin qui n’est pas encore à point. C’est alors que dans un certain trou, je vois BLANCO qui me rejoint et qui me dit, qu’il n’en peut plus. Je repars donc, mais quel bonheur, car à ce moment j’entends des chars sur la route, je lève la tête au dessus du talus et en effet je vois deux Shermans arriver vers nous, je me lève aussitôt et je leur fais signe d’activer, arrivés à ma hauteur, je leur conseille de se rendre auprès du Capitaine où ils recevront des ordres en conséquence. Une ambulance suivant les deux chars et BLANCO y prit place pour aider à conduire le Lieutenant LACOIN, MERIC et moi nous retournions vers le Capitaine BONNET pour le renseigner. En chemin comme nous avions infiniment soif, nous buvons plusieurs coups de vin chez un cultivateur d’OBENHEIM. Et après avoir rendu compte au Capitaine BONNET, je retourne avec lui et l’auto-mitrailleuse du P.H.R. sur les lieux du guet-apens. Là, les deux chermans sont toujours en position, car après avoir tiré plusieurs obus dans le blockhauss, les Allemands ont disparu dans le bois. Des deux jeeps, seulement ‘’l’Intrépide’’ peut être récupérée et réparée au dépannage car le moteur est en bon état. Le Capitaine ne me laisse pas retourner chercher ma carabine car il ne tient pas, dit-il, à ce que je sois une nouvelle victime.

  1. ‘’Une carabine, me dit-il, on t’en donnera un autre’’.

Puis, nous revenons sur la route, car nous n’avons plus rien à faire en ce coin maudit. Nous reprenons la route dans la colonne que se remet en marche vers FRISONHEIM pour remplacer ceux qui viennent d’attaquer et qui ont eu des pertes. Trois Panthères (Char Panther allemand) et un obusier allemand sont détruits par nos chars au cours de ces attaques. MERIC nous a quitté pour aller à l’état-major du régiment avec un peu de chagrin, au fond. Puis, nous rentrons dans FRISONHEIM. Tous les habitants qui restent au village sont invisibles car ils sont terrés, apeurés dans leurs caves.


Char Panther allemand (SdKfz 171)

            C’est alors que pour nous commence la vie à FRISONHEIM, un enfer pour nous ce village, dès les premiers jours, les habitants ont été évacués vers l’arrière. Et celui chez qui nous avons pris logis, nous recommande avant de partir de bien nous servir, de manger des lapins et la volaille, de boire le vin et le schnapps, mais de soigner un peu ses deux vaches qui restent, car si les boches revenaient, ils lui prendraient toutes ses bêtes, il vaut donc mieux que ce soit nous qui les mangions. La vie journalière pour nous fut bien monotone ; le quart, les repas, et la cave bien souvent , car les obus allemands ne cessent de tomber à tous moments de la journée, alors que les nôtres ne répondent pas ou très peu. Nous avons parfois même la visite d’avions de reconnaissance ennemis. Nous étions sans cesse sur le qui-vive de jour et de nuit où nous assurions deux postes par char, un dans le char, l’autre à la mitrailleuse, car les Boches se trouvent à 1 km 2 à l’Ouest, 2 kms à l’Est et 1 km au sud. Nous étions à peu près 130 au village, mais chaque jour de moins en moins, car on évacuait toujours des morts et des blessés. Ceci dura quinze jours, heureusement que nous avions du vin et du schnapps à boire ; car je crois que nous serions devenus tous fous.

            Et un beau jour, ce fut la relève. Nous ne laissions que des ruines à nos camarades. Nous revenions à BOBESHEIN pour écouler là nos émotions et pour nous changer un peu, car nous venions de toucher nos vêtements qui étaient conservés par les voitures du train régimentaire ; heureusement qui nous n’avions pas tout dans la jeep, car il ne me resterait plus rien à me mettre … Puis, le jour de Noël se passa chez de braves gens où nous habitions, en chantant toute la nuit accompagnés par un gars du Tchad qui jouait de l’accordéon, un brave petit gars que nous avions pris, au passage en Lorraine ; il était de ST CLEMENT. Puis, nous sommes retournés à FRISONHEIN mais que pour deux jours, le secteur était devenu plus calme.

            Le relève générale s’effectuait sur notre front par l’armée du Général DELATTRE De TASSIGNY et les Américains. Nous devions aller au repos du côté de PARIS. Malheureusement, ce n’était que des illusions. Nous étions relevés de notre poste et prêts à partir d’un village voisin, ERSTHEIN, où nous venions de passer la nuit, quand l’’Intrépide’’ tomba en panne ; nous étions donc obligés de laisser passer la colonne et d’attendre le dépannage. Dans ce village, nous avions fait, l’équipage de la jeep, l’acquisition d’un superbe drapeau allemand où il était inscrit deux villes d’Alsace. Après avoir été dépannés, nous reprenions la route, pour rejoindre les nôtres, mais la nuit nous prit en route, nous nous sommes donc arrêtés chez un cultivateur dans un village voisin de SARREBOURG que CAMOIN connaissait car CAMOIN était maintenant le chauffeur de l’’’Intrépide’’ en remplacement de MERIC. Nous avons donc passé la nuit chez ces gens après avoir bien mangé et bien bu, surtout un grand verre de schnapps et au moment de partir le matin nous avons eu de nouveau une bonne collation ainsi qu’un grand verre d’alcool pour nous réchauffer. Après avoir passé SARREBOURG, nous eûmes la veine, si l’on peut dire, de rencontrer une jeep de chez nous qui nous cherchait. Car il y avait un changement d’itinéraire. Les Américains reculant au Nord de STRASBOURG et il fallait les aider. Encore fini pour cette fois le repos. Nous avons dont rejoint notre peloton à ADANVILLER où il était cantonné en deuxième position, car un autre groupement attaquait et dans la soirée nous apprenions que les ‘’boches’’ reculaient devant les nôtres qui leur infligeaient de lourdes pertes. Puis, les Américains regroupèrent leurs forces et nous remplacèrent largement dans nos villages en hommes et en matériel. Mais, nous devions occuper à l’arrière des villages prêt à monter en ligne en cas de nouvelles attaques. Dans un de ces villages que nous faisions, je changeais de Peloton ; je passais au Ier ; je devais donc quitter de bons camarades que j’aimais bien ; je les connaissais depuis si longtemps que j’eus de la peine de les quitter.

            Enfin, je devins conducteur de la jeep à MANSAIS en attendant d’avoir la place de chef de voiture dans le ‘’Chamois’’ qui devait être vacante, car l’ancien chef de voiture avait demandé à être incorporé dans les parachutistes. Nous étions dans un cantonnement près de SARREBOURG, quand l’ordre vient de nous déplacer dans un autre village du côté de SAVERNE. C’est là que je pris le commandement du ‘’Chamois’’ avec EYMOUSY comme chauffeur et SAHIOUB comme mitrailleur. Et c’est dans ce village également que j’eus ma permission de quinze jours. Quelle joie pour moi de pouvoir me reposer un peu du front. A mon retour de permission, j’étais, comme bon nombre de mes camarades, dégouté d’avoir vu qu’à l’arrière on dansait, on s’amusait sans penser à la relève de ceux qui se faisaient descendre chaque jour ; ou du moins pour nous seconder à libérer le pays le plus rapidement.

            Mais, au fond, je repris mon poste content malgré tout de revoir les copains et avoir l’espoir que ce serait bientôt fini. Puis, l’ordre vint de se rapprocher du front, mais notre peloton ne participa pas aux attaques  qui eurent lieu. Malheureusement, les autres eurent pas mal de dégâts en hommes et en matériel à cause des mines  qui se trouvaient enfouies dans la neige et que le génie détectait difficilement. Puis, COLMAR fut pris et libéré par l’armée à DELATTRE et ceux de chez nous qui arrivèrent ensemble aux portes de la ville. Les derniers éléments Allemands qui purent s’en tirer, repassèrent le Rhin pour retourner chez eux, ainsi toute l’Alsace fut libérée.


Jean de Lattre de Tassigny

            La Division à reçu au cours de la libération de l’Alsace deux citations à l’ordre de l’Armée. Et l’ordre du haut commandement de la D.B. arrive pour se porter dans le centre de la France. J’espère déjà que nous passerons pas ORLEANS, mais je suis déçu, car nous passerons bien près, mais malheureusement par à ORLEANS même. Ce nouveau voyage s’effectue pour nous en trois jours, je crois ; et nous allons atterrir dans un petit village entre LOCHES et TOURS. Dans ce village nous y sommes que provisoirement, car nous devons changer le lendemain. Une partie de notre peloton est logé dans une château, bien entendu j’en fais partie, le châtelain n’est pas très conciliant et évidemment on ne couche pas dans le château proprement dit, mais dans des espèces de granges où les soldats boches avaient couché sur des paillasses de paille, nous ne sommes pas très contents, mais pas du tout contents même, ces paillasses d’ailleurs sont infectes.

            Le châtelain qui soi-disant vient d’avoir des malheurs dans sa famille, ne nous regarde pas d’un très bon œil, il ne faudrait même pas que nous circulions beaucoup dans la propriété pour ne pas faire de saletés et nous ne pouvons même pas demander aux cuisinières de nous faire cuire notre manger, etc, etc…

            Quand je dis château, je me comprends car je veux dire les dépendances du château, le château proprement dit il ne faut même pas le regarder de trop près. Heureusement que nous resterons pas trop longtemps car je crois que le châtelain aurait eu des ennuis avec nous.

            Le premier jour nous visitons les bois de la propriété et après avoir remarqué un très grand lac, nous ne pouvons nous empêcher d’organiser une petite partie de pêche, à la grenade comme de bien entendu, et nous prenons quelques poissons que nous faisons cuire dans un café pour notre repas du soir. L’après-midi, le curé du village organise avec les anciens prisonniers une séance de théâtre en notre honneur dans laquelle nous participons un peu. Cette séance est fort bien réussie. Puis le lendemain pas mécontents ma foi, nous nous dirigeons dans un autre village, une petite ville plutôt, ST-FLAUVIER, qui se trouve placée un peu au sud de LOCHES.  

Là, changement de décor, car les gens sont très sympathiques et nous reçoivent très bien ; nous logeons tous chez les habitants. Pour le compte de la jeep, c’est-à-dire pour moi et EYMOUSY, nous habitons chez M. et Mme BAUDET, des gens très gentils ; SAHIOUB, lui, habite en face où il est très bien aussi.

            Ces gens nous nourrissent comme des rois, par contre, nous leur donnons les quelques victuailles que nous touchons de l’intendance militaire française, fini pour l’instant le ravitaillement américain. Le patron est un très brave homme et c’est avec plaisir que nous lui donnons de temps en temps un coup de main, aux travaux des champs. Par contre, il a une cave bien garnie, dont je ne suis pas près d’oublier, car un jour où il avait eu le temps de s’occuper de nous, nous n’en sommes pas sorti très d’attaque.

            C’est ainsi que dans ce charmant village nous resterons une quinzaine de jours environ où tous les samedis et dimanches il y a un bal. Le médecin de chez nous organise même quelquefois des matchs de basket et de foot-ball dont je fais partie et où nous ramassons plusieurs victoires.

            Notamment, dans un match à CHINON, où une rencontre triangulaire est organisée, entre CHINON, nous et les hôteliers de Paris. Nous battons CHINON, mais nous sommes battus par les hôteliers, une très bonne équipe en réalité.

            Dans cette ville, nous sommes très bien accueillis et les banquets et les vins d’honneur nous sont offerts par la ville et les organisateurs. Mais un beau jour arrive où nous devons quitter ces braves gens et cette bonne vie pour nous rapprocher de ROYAN que nous devons attaquer prochainement. Je pars avec le lieutenant du 1er peloton BEBIN, comme précurseur pour choisir les cantonnements de l’Escadron.

            Le soir nous arrivons à COGNAC où nous passons la nuit, le lieutenant connaissant des gens. Le lendemain nos passons prendre des ordres à l’Etat-Major pour connaître les villages désignés à notre intention.
           
            Puis nous nous rendons sur place où nous établissons les cantonnements du P.H.R. et du 3ème Peloton à MIGRON, du 2ème Peloton à PRIGNAC et du 1er Peloton à COURCERAC. Dans ce dernier que nous ne faisons que l’après-midi et qui est le nôtre, nous mangeons le midi à la table du maire.

            Et dans la soirée, alors que notre travail et terminé, nos camarades arrivent et chacun se dirige vers sa future demeure où un très bon accueil lui est réservé. Je tombe une fois de plus chez de braves gens avec EYMOUSY car SAHIOUB, lui, est parti en permission en Afrique du Nord. Dans ce village, nous restons, je crois, une dizaine de jours environ, où nous sont faits sans cesse des réceptions et des bals, car dans ce petit village où nous sommes, il se trouve, comme dans toute la France, en réalité deux parties politiques opposés, celui de l’ancien maire et celui du nouveau, qui veulent chacun leur tour nous procurer leurs faveurs que nous accueillons ma foi avec satisfaction.

            Dans ce petit village, il y a un café qui se trouve continuellement envahi et qui a du Pernot, du bon vin et surtout une liqueur du Pays, inconnue de nous tous pour ainsi dire et qu’ils appellent du ‘’Pinot’’, cette liqueur est faite avec du moût de vin et du cognac. Inutile de dire que les premiers jours, bon nombre de nous se trouvent gris et même noirs avec cette délicieuse liqueur.

            Le lieutenant BEBIN qui est très astucieux donne aux villageois pour les récompenser de leur charmant accueil un feu d’artifice fort bien réussi avec des fusées et un canon à tir rapide anti-aérien pris aux boches. Puis la mission à accomplir arrive : ‘’ROYAN’’. Nous quittons donc ces braves gens qui, une fois de plus avant notre départ, nous offrent un vin d’honneur, mais ils ne peuvent cacher leurs larmes, car ils savent et comprennent que des gars de chez nous ne reviendront pas vivant de cette nouvelle mission.

            L’ordre de départ est donné, et nous allons nous ranger sur la route passant à MIGRON où l’Escadron démarre ensemble. Nous quittons ces petits villages, mais nous y reviendrons, ROYAN pris aux Allemands. Nous passons à SAINTES  et nous arrivons à la limite du NO – MOS – LAND (no man’s land) où des F.F.I. montent la garde si l’on peut dire, car les pauvres ils n’ont pas l’air de guerriers bien affranchis, surtout que certains d’entre eux ne possèdent même pas d’armes.

 

== ROYAN ==

            Nous établissons nos cantonnements dans des près et des parcs, les voitures et les chars sont rangés le long des haies et camouflés. Ceci rappelle un peu les nuits de Normandie où l’on dormait dans les voitures ou dans des trous individuels. Et nous passons la nuit enveloppés dans nos couvertures sur l’herbe ou dans les voitures. Le lendemain matin, de bonne heure nous sommes réveillés alors qu’il ne fait pas encore jour, vers 4 heures, je crois. Chacun se prépare activement aux dispositions de combat et se range sur le bord de la route prêt au départ.

            Le lieutenant nous apprend alors que les jeeps ne monteront pas à l’attaque pour l’instant, car elles ne sont pas utiles contre les blockhauss. Nous en pleurons de colère, aussi le lieutenant se laisse-t-il attendrir et nous embauche pour jalonner les routes afin de tracer l’itinéraire pour les chars et l’infanterie. Par contre, il nous promet d’avoir besoin de nous le lendemain pour rentrer à ROYAN.

            Dans la soirée, trois villages sont pris à l’ennemi, ce sera donc pour demain le grand coup, car ROYAN est très fortifié.

            Nous passons la nuit, dans nos voitures respectives et dans nos pelotons que nous avons rejoints à la belle étoile. Et le lendemain dès la pointe du jour nous sommes réveillés par des vagues d’avions alliés qui viennent bombarder la ville et les blockhauss de ROYAN. Le génie, lui s’occupe activement à déminer les routes et les chemins infestés de mines allemandes. C’est assez tard dans la matinée que nous commençons par avancer. Les chars ont du mal à démolir les ouvrages fortifiés des Allemands solidement retranchés et nullement impressionnés par les vagues d’avions successives qui ne cessent de poursuivre leur bombardement continu.

            Vers 18 heures, alors qu’il commençait à faire nuit, nous rentrons par une brèche, faite non sans victimes des deux côtés dans l’enceinte de la ville de ROYAN. Il faut faire très attention, car des entonnoirs immenses faits par le bombardement jalonnent la route.

            Nous arrivons à la hauteur du Grand-Hôtel sur le bord de la mer où nous faisons plusieurs prisonniers, trois d’entre eux prennent place dans le ‘’Chamois’’ où je suis avec ‘’Blindé’’, surnom donné à un indigène qui ne pratique pas beaucoup sa religion, car il boit comme un trou et mange du cochon (alouf).

            A la rentrée de ROYAN, j’ai trouvé une bombonne de marc appartenant aux Allemands que Blindé ne cesse de lécher, ce qui l’a rendu très nerveux, car il tire à la mitrailleuse aux oreilles des fantassins qui marchent de chaque côté de la route et qui ne prennent pas l’affaire de bon goût. Sur les côtés et le derrière des chars sont installés à plat ventre des fantassins appartenant à un régiment de zouaves, mais ces derniers montent au feu pour la première fois et perdent ainsi beaucoup d’hommes. Puis alors que nous repartons vers le Nord de la ville et que nous traversons la voie ferrée, ma jeep reste en suspens sur les rails ainsi que la voiture à Clet qui est seul, son tireur à la mitrailleuse est comme remplaçant sur un char, et pas moyen de sortir de ce pétrin. Nous sommes donc abandonnés à trois sur la voie ferrée près de la gare de ROYAN, heureusement que le train ne passe plus, CLET – Blindé et moi, ainsi que nos trois prisonniers ; CLET et BLINDE cherchent le moyen de nous dépanner ou de trouver un char qui puisse nous sortir, çà fait que je suis seul avec mes trois fridolins, heureusement que ce sont des poules mouillées. Je le vois par la suite, car un bombardement d’artillerie lourde tombe sur la ville et la gare auprès de laquelle nous sommes et à un carrefour de la route qui se trouve derrière nous, tous les points stratégiques sont visés et je n’ai pas besoin de dire à mes cocos de se planquer, car ils le font plus vite que moi, et tous tremblants à chaque fois qu’on obus siffle au-dessus de nos têtes.

            Je crois même que le ‘’Lorraine’’, cuirassé français qui tirait sur ROYAN depuis ce matin continue de nous envoyer ses pruneaux de 340.


            Enfin CLET trouve un char des cuirs qui consent à nous sortir nos jeeps de là. Nous repartons donc dans les rues de la ville détruite à la recherche de nos chars que nous trouvons sur le point de départ vers un cantonnement provisoire à l’entrée de la ville où nous passerons la nuit. Je suis donc les chars étant au volant de la jeep et toujours avec mes trois prisonniers qui décidément en ont assez de la guerre, car toutes les armes de la voiture sont à la portée de leurs mains.

Arrivé au cantonnement, je retrouve Blindé qui était monté dans une autre voiture, les prisonniers sont réunis et remis à l’Escadron.

            Dès la pointe du jour du troisième jour, nous repartons à l’attaque occupant toujours de nouveau du terrain à l’ennemi, mais non sans casse et sans difficulté ; ROYAN est nettoyé pendant ce temps, par des éléments d’infanterie qui fouillent toutes les maisons valides. Les avions alliés ne cessent encore pas de pilonner l’ennemi, la dernière pour eux.

            Et de nouveau la nuit arrive, cette nuit nous la paserons encore à la belle étoile à veiller dans les voitures sur le terrain conquis à l’ennemi durant la journée. Et l’aube  du 4ème jour nous voit de nouveau reprendre l’attaque, décidés d’en finir ; cette journée sera triste pour nous, car un char du Peloton saute sur des mines superposées, alors qu’il venait de détruire plusieurs nids de mitrailleuses ainsi que des canons ennemis, total : 1 mort – 2 blessés dont un une jambe en moins, le char ‘’Fanstasque’’ est inutilisable maintenant.

            Les prisonniers allemands se rendent maintenant en bloc, ce sont pour la plupart des fusiliers-marins allemands mis à terre, des durs, des fanatiques, avec çà ; car dans cette attaque on aura payé beaucoup trop cher en vie d’hommes alors que la guerre devait finir peu de temps après. Pendant ces 4 jours de combat, nous n’avions vu que de très rares habitants et que dans la campagne ; c’est vrai que les boches en avaient expulsés une grande partie depuis longtemps et quant aux autres une bonne partie sont morts dans leurs maisons durant le combat, car maintenant ROYAN n’est plus qu’un amas de ruines.

            Enfin le feu cesse et l’Amiral commandant la place se rend avec les derniers résistants acculés à la mer. Nous passons cette nouvelle nuit à la belle étoile, mais un peu plus heureux d’en avoir fini de ROYAN où un grand nombre de copains y ont laissé leurs plumes. Dans cette dernière journée, nous avons enterré notre camarade décédé, son frère qui était au 2ème peloton n’a même pas pu le voir avant qu’il soit enterré.

            Le lendemain nous repartons pour rejoindre nos cantonnements où nous étions avant l’attaque, c’est-à-dire pour l’Escadron : MIGRON – PRIGNAC – COURSERAC.

            A l’arrivée dans nos villages, les gens nous accueillent chaudement, sauf chez qui les disparus étaient logés et qui ne peuvent cacher leur chagrin de ne plus revoir les braves petits gars qui habitaient chez eux il y a 5 jours, et qui ont donné si fièrement et si généreusement leur vie pour que les autres puissent vivre en paix. Dans le village voisin de PRIGNAC, où se trouve le 2e Peloton, il en est de même, car eux ont été plus durement éprouvés que nous entre morts et blessés, une bonne douzaine manquent sur 40 au Peloton environ.

            Puis dans ces villages nous restons de nouveau quelques jours ; et l’ordre arrive de rejoindre l’autre partie de la D.B. en Allemagne. Car pendant que nous attaquions ROYAN, la moitié de la D.B. rentrait en Allemagne avec les Alliés. L’heure du départ est fixée et le moment arrive rapidement de partir, tous les gens du village nous font leurs adieux et fleurissent les voitures avec des larmes dans les yeux, car ils ne sont pas très sûrs que nous verrons tous le jour de la victoire.

            Nous traversons une fois de plus la FRANCE passant par des villes et villages déjà vus. Ce voyage durera plusieurs jours, jusqu’à notre arrivée au cœur même de :

== L’Allemagne ==

Nous passons le Rhin sur un pont métallique fabriqué par les troupes américaines déjà au centre du Grand Reich. Les nouvelles sont bonnes sur le front de l’Est car les troupes Russes sont aux portes de Berlin, les troupes Américaines ont déjà fait la liaison avec eux, quant aux Anglais et aux Français, ils sont, eux aussi, au cœur du territoire teuton. En Allemagne nous roulons parfois sur les autostrades dont Hitler était si fier, ce qui nous permet d’accélérer un peu l’allure.

            Les Allemands nous paraissent doux comme des agneaux dans les villages où nous nous arrêtons il ne cessent de se hâter pour nous confectionner de bons repas et nous préparer leurs lits ave des draps blancs, eux, par contre, couchent sur la paille. Mais malgré tout nous nous méfions et nous restons sur le qui-vive.

            Une partie de la D.B. est maintenant au nid d’Aigle, après avoir pris BERCHTESGADEN de haute lutte, mais le réduit bavarois dont parlaient tant les Allemands est plutôt miteux. Les Allemands valides s’empressent de boucher les trous qu’ils avaient faits pour nous résister.

            Nous, notre groupement, nous nous établissons autour de Munich. Notre escadron qui est cantonné à BROTBROUN, station balnéaire au bord d’un grand lac est commandé maintenant par le Capitaine MOREAU.

            C’est là que nous apprenons quelques jours plus tard la fin de la guerre et l’armistice demandée par les Allemands. Quelle joie pour nous autres de nous sentir encore en vie après cette fournaise, cet enfer, si l’on peut dire où tant de soldats y seront restés. Malheureusement ce n’est pas la même chose pour nous que pour les gens qui célèbrent ce jour de la victoire dans les villes de France où dans les pays alliés, car ici nous n’avons que de l’eau à boire. Dans ce village après la fin des hostilités, nous restons encore une quinzaine de jours, mais nous avons hâtes de rentrer au pays pour fêter l’heureux jour. En attendant nous nous baignons, nous péchons, nous faisons du canot à voile et à moteur et aussi de bonnes parties de chasses aux lapins et aux chevreuils. Dans ce village il y a plusieurs prisonniers Français qui n’ont pas l’air très pressés de rentrer en France. Malgré tout quelques uns d’entre eux ont demandé au Capitaine de rentrer avec nous, ce qui leur est accordé aussitôt.

            Pendant cette avance que nous avons faite en Allemagne, nous avons pu voir des prisonniers de tous pays qui essayaient par tous les moyens de rejoindre la France, à pied, à bicyclette, en voiture à cheval, en tracteur etc…, etc… Près de MUNICH le Général de GAULLE est venu passer une inspection de la D.B. où il a remercié tout le monde pour le beau travail que nous avons accompli. Il n’y a que les Allemands qui ne sont pas très contents, quoiqu’ils ne le laissent pas paraitre, car tous les gens chez eux se débrouillent chez leurs voisins à se loger, ensuite le Capitaine a exécuté l’ordre reçu de l’Etat-major Américain de ramasser  -( fin du texte ).