L'historique présenté ici n'a pas pour vocation d'être "la référence du régiment ", j'essaye d'y faire figurer des éléments glanés dans des ouvrages, journaux de marche, récits, en essayant d'être le plus précis possible.

Toute information nouvelle y trouvera sa place, je ne peux que vous inviter à me contacter via cette adresse mail

info@rbfm-leclerc.com

Des Origines "mouvementées"
 

Suite à l’armistice entre la France et l’Allemagne, l’Angleterre n’a qu’une crainte, que la flotte militaire française ne tombe sous le joug de l’Allemagne et ne se retrouve face aux bâtiments de sa Majesté. Nombreux sont les bateaux français qui ont alors rallié depuis l’Afrique le port de Toulon afin de s’y enfermer et s’y protéger. L’attaque de la Marine Anglaise sur la Flotte Française à Mers-el-Kebir le 3 juillet 1940 augmentera alors la crainte des marins français vis-à-vis des bateaux anglais.  

 

Mai  1942, le Bougainville (ex Victor-Schoelcher – rebaptisé en l’honneur de l’aviso colonial Français que la Marine Gaulliste avec l'aviso Savorgnan de Brazza avait coulé dans la rade de Libreville au Gabon le 8 novembre 1940) accompagné du sous-marin Béveziers se trouvent dans le port de Diégo Suarez lorsque les anglais passent à l’attaque ; c'est l'opération Ironclad, lancée par les britanniques. Le Bougainville est rapidement touché par une torpille et sombre, emportant avec lui plusieurs marins français, dans le même temps, le Bévezier est également torpillé et coulé. Une fois a terre, équipés de quelques armes légères, les marins tentent de faire face aux blindés et fantassins anglais débarqués. Après plusieurs heures d’un combat inégal, le port de Diégo Suarez tombe, les marins Français sont contraints de se rendre.





Le Bougainville (ici encore le Victor Schoelcher)
 

L'amiral Syfret avait pris quelques engagements vis à vis des prisonniers francais, comme celui de les débarquer à Freetown ou encore Gibraltar, afin qu'ils soient rapatriés en France. Il n'en sera rien, la direction sera l'Angleterre et le camp d'internement n°1 de Grizedale Hall (où sont d'ailleurs retenus les officiers allemands, aviateurs et sous-mariniers). 

Le voyage sera réalisé à bord de l'Oronsay, un transport de troupes anglais, ce sont quelques 600 militaires et marins Français qui embarquent. (pour la petite histoire, le transport de troupes Oronsay sera torpillé par l'ennemi le 9 octobre 1942, au large de Morovia.. L'idée de prendre le contrôle de l'Oronsay était bien présente chez les marins, mais lors d'une escale à Freetown, les marins Français sont autorisés à envoyer du courrier à leurs familles, le plan est alors découvert par les Anglais, et une compagnie de Royal Marines embarque sur l'Oronsay pour parer à toute éventualité. Les officiers sont séparés des hommes de troupes et des marins, et embarqués sur un croiseur auxiliaire.

 
L'Oronsay - source http://lelancastria.com/L-Oronsay.html
 
A Grizedale Hall, les marins doivent porter de vieux vetements militaires pourvus de l'inscription P.O.W dans le dos (Prisoner Of War). Certains officiers, dont le capitaine de Corvette Maggiar sont déplacés en Ecosse, au camp n°12 de Donaldson School, où se trouvent également des prisonniers italiens, semble-t-il mieux traités que les marins Français ! L'effectif de la Marine qui se trouve ainsi interné est composé de 22 officiers, 70 officiers mariniers et 400 marins spécialisés (source Amiral Maggiar).
 
Pour la petite histoire, le camp de Grizedale Hall a été mis en lumière au cinéma en 1957, avec le film L'EVADE DU CAMP 1 ( The One that got Away), qui relate l'arrivée en 1940 du pilote allemand Franz Von Werra au camp de Grizedale Hall, dont il parviendra à s'évader.
 

Le 8 novembre 1942, les troupes américaines débarquent en Afrique du Nord, c’est un nouvel élan qui se présente pour cette poignée de marins (45 officiers, 333 officiers mariniers, quartier-maîtres et matelots) qui veulent en découdre avec l’Allemagne. Les hommes emprisonnés indiquent leur désir de rejoindre Alger pour se mettre aux ordres de l'Amiral Darlan afin de reprendre le combat contre les allemands. Les anglais refusent, ils veulent que les marins rejoignent les FFL en Angleterre. Après toutes ces humiliations, les combats, la prison, Mers El Kébir et pour finir la flotte de Toulon qui se saborde, s'en est trop, les anglais exagèrent ! Voyant la situation s'enliser, les marins acceptent et engagent dans les FFL. Les volontaires embarquent alors sur un paquebot anglais en direction de l'Algérie. Le Capitaine de Corvette Maggiar qui était le second sur le Bougainville et qui dirige maintenant l’unité arrive à Alger le 1er février 1943 ; Il y rencontre l’amiral Lemonnier dans le but de créer un bataillon de Fusiliers Marins pour la prise et la tenue des batteries d’artillerie de Marine de Bizerte. Décision est prise, ils ont 45 jours pour se préparer, s’instruire, et pour étoffer quelque peu les effectifs, environ 550 hommes. Une première perception de matériel fait rapidement déchanter les volontaires, en effet, ils reçoivent entre autres des fusils modèles 1886-93, le fameux Lebel, arme quelque peu désuète, 1 mortier de 81mm, et comble pour des marins : des mulets !  Le 19 avril 1943, le bataillon est fin prêt, et peut réceptionner quelques équipements plus modernes : 18 jeep, une dizaine de camions, des pistolets-mitrailleurs Thompson, etc…

 
Liste du matériel réçu par le Bataillon de Fusiliers Marins de Bizerte :
- 450 fusils modèles 1886-93
- 9 fusils mitrailleurs 24/29
- 2 mitrailleuses modèle 1914 avec 2 voiturettes porte-pièces et 1 voiturette porte-munitions
- 1 mortier de 81mm avec 1 voiturette porte-mortier et 1 voiturette porte-munitions
- 1 canon de 37mm modèle 1916 avec voiturette porte-munitions
- 1 cuisine roulante hippomobile
- 50 outils portatifs
- 30 outils de parc
- 8 mulets
 

Cette unité est incorporée dans les Corps Francs d’Afrique et combat avec eux en Tunisie pour au final occuper Bizerte. Une fois l’opération terminée, le Bataillon « Bizerte », c’est le nom qu’il porte, est alors cantonné à un rôle de surveillance, qui devient rapidement trop lourd à porter pour le faible effectif. Le Capitaine de Corvette Maggiar décide alors d’agir et effectue de nombreuses démarches afin de remettre ses hommes au combat, dans des bateaux cette fois-ci !  Certains auront la possibilité de rembarquer, pour les autres, une nouvelle chance va s’offrir à eux ; en effet, le Général Juin à besoin d’hommes pour équiper des régiments de blindés, de spécialistes, les marins le sont dans le domaine de l’artillerie, quoi de mieux alors pour équiper un Régiment de Chasseurs de Chars !
Le 10 septembre, l'effectif de l'unité est de 26 officiers, 109 sous-officiers, 601 quartier-maîtres et marins et 206 indigènes nord-africains.

 
La Transformation

Le 19 septembre 1943, le bataillon Bizerte devient le Régiment Blindé de Fusiliers Marins, le RBFM (par décision 97 EMG/3 du 19/09/1943). Terminé les mulets, terminé les équipements hors d’usage, on va passer sur des chars, ce n’est pas un retour sur les navires, mais c’est toujours mieux que des mules ! Direction Casablanca, pour y percevoir les engins. Le voyage est interminable, 10 jours en train pour certains en voitures pour d’autres . Le RBFM est installé dans le Hangar 14 sur le port de Commerce de Casablanca, qui sert de dépôt pour les marchandises en transit. C’est là que les effectifs grossissent quelque peu, par apport d’hommes de la 2e escadre légère, détruite à Casa, des évadés de France, des Corses, des Pieds-Noirs, des Algériens.  Quelques semaines plus tard, le 23 octobre 1943, des premiers équipements arrivent en extrême petite quantité (4 jeep et 5 Dodges !). Les tenues à l’américaine sont également perçues quelques semaines plus tard (le 9 décembre 1943), mais toujours pas de chars !

 
Au 31 décembre 1943, les effectifs de l'unité sont les suivants : 109 officiers, 601 quartier-maîtres et matelots, 6 sous-officiers et 200 indigènes nord-africains.

Le 1er janvier 1944, le Régiment est visité par le Général de Lattre, qui leur promet des véhicules pour très prochainement et surtout, un engagement très rapide en Europe ! Le 17 janvier, nouvelle livraison de matériel : 5 Dodge et 21 remorques. L’unité déménage de Casa et part s’installer au Camp Verdun, à côté de l’hippodrome d’Anfa.  Nouveau déménagement pour Berkane, afin de se former enfin sur les engins tant attendus : les TD M10 Destroyer. Cette instruction se fera auprès du 11 RCA (Régiment de Chasseurs d’Afrique).  Nouvelle visite de de Lattre, et les marins, pour montrer leur mécontentement par rapport aux promesses tenues, defilent devant lui tête à droite et changent de pas. Le 7 avril, visite du Général de Gaulle.  Le Capitaine de Corvette Maggiar décide de prendre le taureau par les cornes et demande une entrevue avec le Général de Gaulle ; c’est Billote qui le reçoit le 8 avril. Décision est prise par de Gaulle de céder les chars usagés du 11e RCA et de les donner au RBFM, avec tous les équipements.  Les marins sont déçus, ils attendaient des chars neufs en provenance des Etats-Unis, on leur cède des engins usagés, mais qu’ils connaissent bien, ils les entretiennent depuis 2 mois !


Le 9 avril 1944, le RBFM s’installe au camp de Sidi Ben Obka à côté d’Oran. Il est décidé que le Régiment embarquera pour l’Angleterre le 29 avril. La récupération des équipements se fait rapidement, 36 TD, 25 scout-cars M3A1, 6 Half-Track M2, 3 Half-Track M3 et quelques motos.  L’unité a devant elle une vingtaine de jours pour se préparer, c’est court, mais les marins savent faire les choses vite et bien. Première chose à faire, s’occuper des organes de visée fournis dans les TD qui ne conviennent pas à des pointeurs chevronnés comme les artilleurs de Marine. Un lot de 40 lunettes de visée Marine est fourni par l’ingénieur d’Artillerie Navale Silvère Sevrat, elles sont rapidement montées sur les TD qui pourront maintenant moucher un Panther en marche à 3000 mètres ! on remet les pendules à l’heure ! 

 
Intégration dans la 2e Division Blindée

Le 12 avril 1944, le RBFM est officiellement intégré dans la 2e DB. Le Général Leclerc les rencontre le 14, et n’est pas très accueillant avec eux  : « je ne vous ai pas demandés. Le Général de Gaulle vous a imposés à moi. Je suis bien obligé de vous prendre. Mais je sais qui vous êtes et ce que vous avez fait. Vous avez toujours défendus les intérêts de la Marine, mais pas de la France. Il faudra que vous changiez. Si vous ne le faites pas, si vous ne vous entendez pas avec les autres unités de la 2e D.B, je vous laisserai sur les quais dans les ports anglais. Vous ne débarquerez pas en France…. ». Pour ce faire, le général Leclerc interdit alors jusqu’à nouvel ordre que les marins de l’unité portent la fourragère rouge, fierement gagnée par les Fusiliers Marins à Dixmude, lors de la Première Guerre Mondiale. A ce sujet, lors d’une visite suivante du Général au Régiment, ce dernier apercevra l’Officier des Equipages RENOU, porte-drapeau, arborant la fourragère ; interrogé immédiatement, le Capitaine de Corvette Maggiar informera le Général que RENOU a le droit de la porter, car il était à Dixmude !


Le 29 avril, la division embarque vers l’Angleterre sur plusieurs LST, les Liberty Ships ‘Fort Brandon’ et ‘Belgium Sailor’, d’autres personnels embarquant sur le ‘Cape Town Castle’ depuis Mers-El-Kebir. Le débarquement en Angleterre se fait aux ports de Greenock et Liverpool le 31 mai 1944, pour une installation autour du village de Sledmere dans le Yorkshire. Le service médical et les Marinettes étant installé dans un château désaffecté.  Pendant cette ‘période’ anglaise, les effectifs sont completés et les Scout-cars remplacés par des M20. Preuve de la confiance donnée au RBFM, le fils du Général de Gaulle, Philippe, intègre le régiment avec le grade d’Enseigne de Vaisseau.

 

L'Enseigne de Vaisseau Philippe de Gaulle (Tenue de sortie à gauche, tenue de combat à droite)
Note importante : on peut voir distinctement sur la photo de droite que l'enseigne de vaisseau Philippe de Gaulle porte l'insigne de poitrine d'officier des Forces Navales Françaises Libres, car il s'est engagé dans les FNFL le 20 juin 1940, dès son arrivée en Angleterre. Par contre, le RBFM n'est pas une unité des FFL de la première heure, leurs membres n'ont donc pas droit au port du Perchoir ou de l'insigne France Libre, plus communement appelé : Moustique.
 

Le 28 juin 1944, le Général Patton viendra rencontrer la Division et son chef, avec qui il aura à travailler en Europe, et surtout que ces deux hommes partagent les mêmes valeurs et les mêmes codes.  Le 30 juin, remise des insignes de la Division. Le 19 juillet la Division reçoit l’ordre de rejoindre le continent afin d’y être engagée ! le RBFM quitte le Yorkshire le 21 juillet, direction Bournemouth pour l’embarquement.


Ordre du Commandant n°149 du 28 juillet 1944


Dans quelques jours vous serez en France, dans votre pays que vous avez quitté depuis si longtemps ! vous aurez l’honneur de vous partie de la première division française qui débarquera sur un coin libéré de la France.

A la veille de ce débarquement le Général Leclerc, commandant la 2e DB m’a chargé de vous remettre, à chacun de vous, l’insigne de la Division.
Cet insigne est un symbole. Vous le connaissez déjà. Vous l’avez peint sur vos véhicules. Désormais vous le porterez sur vos poitrines.

Ce symbole est celui qui nous unit tous autour du Général de Gaulle, pour libérer la France.


Pour parvenir à cette union, nous avons suivi des routes parfois contraires. Mais nous avons fini par nous rencontrer, car nous portions tous, dans notre cœur, le même amour désinteressé de notre patrie.


Désormais nous sommes tous unis, définitivement.


Nous poursuivons le même but, avec une égale passion. Nous voulons que notre pays devienne libre, grand et fort, comme jadis, et que nos familles, nos femmes, nos fiancées, nos frères, nos enfants, retrouvent la fierté et le bonheur de vivre.


Pour atteindre ce but, nous n’avons qu’un moyen : faire confiance au Général de Gaulle et serrer les rangs autour de se personne.


Pendant quatre ans il a lutté pour sauvegarder tout ce qu’il pouvait de patrimoine français, hors de France.


Pendant quatre ans il a été le symbole de la Résistance française contre la domination allemande.


Aujourd’hui à peine la libération de la France est-elle en vue, qu’il lutte déjà avec orgueil, pour défendre les droits et la souveraineté de la nation française.


Ayons l’honnêteté de reconnaître qu’il est le seul chef capable de faire l’union de tous les Français, comme sera seul capable d’en imposer au monde, pour faire respecter l’indépendance et de la grandeur de notre pays.


Notre patriotisme nous commande de l’aider dans sa tâche, car plus la France sera unie, plus elle se relèvera vite de ses ruines.

Soyons fiers et heureux de cet emblème.

Après tous les malheurs qui nous ont injustement accablés, qu’il soit l’aurore d’une ère nouvelle, où brilleront la victoire et la paix, qu’il soit le signe de l’ordre nouveau dans lequel nous entrons la tête haute et la conscience tranquille, pour libérer la France et assurer sa grandeur.


                                                                                                              Le capitaine defrégate Maggiar
                                                                                                              Commandant le régiment blindé de
                                                                                                              Fusiliers-marins.

Destinataire :
Tous les escadrons

Copies :
Gal Cdt 2e D.B. Archives.

 

A 1h30, dans la nuit du 02 au 03 aout 1944, la Division touche enfin le sol de France, à Saint Martin de Varreville, la plage d’Utah Beach où a débarqué la 4e division d’infanterie américaine le 6 juin. La division prend alors la direction de La Haye-du-Puit via Saint Sauveur-le-Vicomte, le RBFM étant quand à lui regroupé à Lastelle. Pendant la nuit du 5 au 6 juin, le Lieutenant de Vaisseau Bonnet qui commande le 3e escadron fait retourner toutes les chenilles des TD, qui sont usées, ce qui leur donnera une nouvelle jeunesse, la Division demandant sans cesse et sans réponse le remplacement de ces dernières.

Au passage, un élement précurseur de la Division a debarqué à Omaha Beach le 28 juillet, sous les ordres du Lieutenant-Colonel Repiton-Préneuf aidé de 5 officiers. Il viendra d'ailleurs accueillir le Général Leclerc à son arrivée sur Utah Beach.


Le 6 aout au soir, départ de Lastelle, direction Coutances, La Haye Fresnel, Avranches, Ducey, Saint Laurent de Terregate où se trouve le bivouac.
 
8 et 9 aout, Saint Aubin, Saint Laurent, Saint James, Autrain, Saint Aubin du Cormier, Vitré, Argentré du Plessis, Cuillé, Cossé-le-Vivier, Grelaines, Chateau-Gontier, Bouessoy, Sablé.
 
10/11 aout, traversée de la Sarthe de nuit sur des ponts de bateaux déployés par des unités américaines. Le 2e escadron cantonne à Souligné.
 
C'est le 12 août 1944 que le Régiment enregistre sa première victoire. Vilarem, Enseigne de Vaisseau de 1ere classe qui commande le 3e peloton du 3e escadron (un ancien de bataillon de Bizerte) reçoit l'ordre de 'surveiller' la route d'Alençon, on y signale pas mal de trafic ... Il envoi le Strasbourg et le Jean-Bart occuper cette position. Le "Strasbourg" est sous le commandement du quartier-maitre mécanicien Le Roux. le TD "Jean-Bart" (commandé par Passaquet - un opticien télémetriste) du 3e Escadron détruit un Panther en 3 coups et à 800 mètres de distance (après avoir allumé au passage 3 camions remplis d'infanterie allemande). Chaque peloton de TD est protégé par une "protection", assurée par quatre jeep occupées par des voltigeurs, dont le rôle est d'écarter les fantassins ennemis, qui pourraient s'approcher et mettre en danger les blindés avec des panzerfaust, panzerschrek et autres grenades, car il faut le rappeler, les TD n'ont pas de tourelle fermée, une grenade et c'est le drame !
Le 2e escadron quitte le GTV pour rallier le GTR (Roumiantzoff), pour un bivouac le soir à la ferme des Galets à l'entrée de la forêt de Perseigne.
 
Un char Panther, un blindé redoutable, cible privilégiée des TD du RBFM !
 
Direction Alençon puis au nord la Forêt d'Ecouves, dans laquelle les restes de la 9e Panzer en retraite s'y sont refugiés. Mais Leclerc décide de contourner ce massif forestier, et de prendre la direction de Carrouges sur la gauche, vers Sées, ce qui amene tout droit sur Argentan et Ecouché, liaisons routières importantes pour la retraite de l'armée allemande. Le groupement Dio a reçu l'ordre de se rendre sur Carrouges, tout droit sur l'axe de retraite de la 2e Panzer. Les allemands, en pleine retraite, et par une chaleur etouffante n'en peuvent plus, une halte est décidée, mis à profit immédiatement par le groupement Dio qui lance l'attaque. C'et le peloton Josse du RBFM qui se trouve en pointe, avec les TD "Malin", "Audacieux", "Terrible" et "Fantasque". Alors que la colonne principale progresse sur la route, il reçoit l'ordre d'avancer par la gauche, en débordement de Carrouges. Un canon d'assaut est débusqué et détruit. Une colonne allemande tombe également dans les bras de Conan, chef du groupe de protection, qui récupère plusieurs canons et camions ainsi qu'une kubelwagen. Carrouges est aux mains de la 2e DB.
 
Ordre est donné de rapidement occuper le carrefour de Menil-Scelleur, dans la direction d'Argentan. Sur le chemin, la protection capture une centaine de prisonniers ainsi que 7 automitrailleuses. Un panzer IV est détruit par le Dunkerque, qui lui expédie 7 obus histoire d'être sûr de la destruction. En arrivant au carrefour convoité, le "Richelieu" est touché au niveau du moteur gauche et s'embrase, l'équipage l'abandonne. Le carrefour est alors la zone de couverture d'un tir de barrage allemand, qui a pour résultat la destruction de deux jeep : "L'impéteuse" et "la Dedaigneuse". Sous les yeux de Francescini et Mothe, respectivement chef de char et tireur du Richelieu, l'incendie est maitrisé par l'exincteur interne, ils en profitent alors pour reprendre possession de leur bien et d'expédier quelques perforants et détruire le Panther qui les avait mouché !
 
Le PC du RBFM est positionné au Chateau d'O, une colonie de vacances de la Marine. C'est l'occasion de remettre les équipements en état, de compléter les approvisionnements et refaire le plein de gas-oil (le TD-M10 tourne au gas-oil, il est équipé de deux moteurs diesel Grey Marine 6-71, les mêmes que pour le Sherman M4A2, alors que le TD-M10A1 emporte le moteur Ford de 540 chevaux, comme pour le Sherman MAA3).
Le 2e escadron est équipé de chenilles neuves (le 20 août).
 
La Libération de Paris
 
C'est du PC de la division situé à Fleuré qu'est parti l'ordre de départ pour Paris, le fameux : "Gribius, mouvement immédiat sur Paris !"
 
L'ordre d'opération de la marche sur Paris est donné, rédigé par le général Leclerc au château de Rambouillet où il s'est installé. De Gaulle arrive alors au PC, et indiquera à Leclerc : "Vous avez de la Chance !" :
 
ORDRE POUR LA JOURNEE DU 24 AOUT 1944
 
I) Mission :

1) S'emparer de Paris.

2) Tenir Paris en occupant les routes entre Ivry-sur-Seine et Neuilly-sur-Marne :

- en poussant des éléments dans la région nord-est de Paris;

- en maintenant un élément réservé au centre de Paris.

II) Renseigments :

L'ennemi dispose d'un certain nombre de points d'appui sans liaison les uns avec les autres. Ces points d'appui sont plus denses dans la région sud-ouest de Paris.

III) Dispositifs :
Mission principale
GTV a) Pousser sur l'axe Arpajon, Sceaux, Paris où se fera l'effort principal en utilisant les petites routes et en évitant les grands axes.
b) Pénétrer dans Paris en direction du Panthéon, puis franchir la Seine et sortir par la région de Vincennes, Charenton et tenir les ponts de la Marne entre Ivry-sur-Seine (inclus) et Neuilly-sur-Marne (inclus).
c) S'éclairer ensuite à distance utile. PC en fin de mission : porte de Vincennes.
 
  Mission secondaire de la diversion
GTL a) Pousser sur l'axe Dampierre, Chevreuse, Châteaufort, Toussus-le-Noble, Jouy-en-Josas, Villacoublay, bois de Meudon, pont de Sèvres.
b) Tenir Sèvres et pousser deux sous-groupements sur Versailles et en direction de Paris.
c) En fin d'opération et après relève par éléments réservés à Versailles, pousser l'ensemble de son groupement au centre de Paris (place de la Concorde) en réserve mobile.
PC initialement : pont de Sèvres, ultérieurement Hôtel Crillon (Paris).


GTD a) Mettre le 3e RAC à la disposition du GTV.
b) Progresser derrière le GTV prêt :
- soit a appuyer ce groupement dans tous ses moyens;
- soit à appuyer le GTL en poussant un sous-groupement en direction du pont de Sèvres.
c) Nettoyer le centre de Paris.
d) En cas de réussite immédiate des différentes opérations des GTV et GTL, pousser des éléments dans la région de Pantin, au nord de Paris.
PC : mairie de Pantin.
Eléments Morel-Deville, se maintenir à leurs emplacements actuels et faire le maximum de volume pour simuler une attaque en direction de Saint-Cyr. En fin de journée, en réserve aux ordres du colonel Rémy.


FTA Les batteries suivront initialement la progression des groupements auxquels elles sont affectées, prêtes à s'organiser en DCA, au centre de Paris, dès la chute de Paris.


GENIE Les éléments réservés du génie, sous les ordres du chef de bataillon commandant le génie divisionnaire, resteront initialement à Rambouillet et se tiendront prêts à déminer l'axe Rambouillet, Versailles, Paris, en fin de journée, sur nouvel ordre.
Groupements Rémy et éléments réservés : sous les ordres du colonel Rémy, pousseront sur Versailles dès sa libération et déminage des axes, prêts à recevoir toute mission de contre-attaque. Pousseront ultérieurement sur Paris (Longchamp).

IV) Différents PC
  PC avancé Derrière GTV, puis hôtel Crillon (Paris).
  PC principal Rambouillet, Versailles (Lycée Hoche), Longchamp.
  Base Rambouillet.
     
V) Circulation
  Un DCR à la disposition du GTV  
  Un DCR à la disposition du GTL  
  En fin d'opération, 2 DCR à la disposition du général, place de la Concorde.
   
VI) Au suppport
  Détachement principal avec GTV.
  Détachement secondaire avec GTL
   
VII) Heure de début des opérations : 7 heures
  PC Rambouillet 23 août 1944 - 18 heures
   
Signé : Le général Leclerc commandant la 2e DB.
 
La carte des axes de progression vers la capitale et l'exploitation
Carte tirée de l'ouvrage "Leclerc de Hauteclocque" par François Ingold et Louis Mouilleseaux, 1948 (couverture cuir)
 

L'entrée dans la capitale va se faire sur 3 axes de progression, la première colonne progressant sur Jouy-en-Josas, Viroflay pour atteindre le pont de Sèvres, direction l'hôtel Majestic. C'est le 4e escadron qui fait partie de cette colonne. Le pont de Sèvres est pris en soirée le 24 août (vers 21h30); pendant la nuit, une compagnie d'infanterie allemande se lancera à l'attaque de la position, sans succès, y laissant une quarantaine de victimes.

L'autre colonne doit passer par Arpajon, Longjumeau, Antony, Sceaux, arriver par les portes d'Orléans, Gentilly et Italie et progresser en direction de l'hotel de Ville pour terminer à l'hotel Meurice. C'est le 3e escadron qui fait partie de cette colonne. De gros combats ont lieu à la côte 136, sur l'axe de Longjumeau, 50 prisonniers sont fait. Des positions de 88 antichar sont abordées entre Palaiseau et Orly, également à la Croix de Berny.

Les 1er et 2e Escadrons accompagnés du PC du régiment se déplacent avec la troisième colonne, celle qui doit "faire du volume" devant les positions lourdes allemandes autour de Paris, et plus particulièrement sur Trappes, Voisins-le-Bretonneux et Guyancourt (le TD Morse envera d'ailleurs quelques obus dans le clocher de l'église, qui semble servir d'observatoire). . Le village de Guyancourt est abordé en compagnie d'un peloton de Spahis; il est défendu par des tranchées, des positions de mortiers et des 88; la position tombe dans la soirée, mais est évacuée par les assaillants pour la nuit. Le lendemain, la progression reprend, le village est reinvesti, il est vide, puis axe de marche sur Versailles, Pont de Sèvres, Pont de Saint Cloud. Le groupement longe la Seine et parvient au Bois de Boulogne.

Une forte resistance à l'angle de l'avenue de Madrid et du Boulevard Barrès : deux automitrailleuses du 1er escadron y ont été détruites. Vassal qui commande un peloton d'automitrailleuses accompagné de 2 TD du 3e peloton est chargé de s'occuper de la resistance allemande, située dans le jardin d'acclimatation. Le lieutenant de Vaisseau Vassal et le quartier-maître Le Bourdiec trouvent la mort pendant l'assaut. Il est fait ici 800 prisonniers dont une centaine d'officiers, ainsi qu'un millier d'armes individuelles, dix tonnes de munitions et une quarantaine de véhicules. C'est pendant cette action que le Capitaine de Frégate Maggiar est blessé à l'oeil droit (a priori une balle qui aurait riccoché sur le blindage du TD "Jaguar" et un éclat de grenade dans le bras droit, il est évacué et sera opéré par des médecins de renom de l'académie de médecine de Paris.

Les itinéraires d'entrée dans Paris
Carte provenant de l'ouvrage "La 2e DB, Général Leclerc en FRANCE, combats et combattants", 1945
 
Un TD du RBFM sur le boulevard Raspail
 
Le 3e escadron stationne rue de Rennes en milieu de matinée. La foule très nombreuse cherche le fils du général de Gaulle ! Un tireur isolé fait déclencher un feu nourrit vers les toits, provoquant la colère du lieutenant de Vaisseau Bonnet qui y voit la disparition inutile d'une bonne partie des munitions de son escadron.

L'escadron doit ensuite faire mouvement afin de prendre le Luxembourg, tenu par les allemands. Le TD "Mameluk" attaque et neutralise les deux bunkers encadrant l'accès. Pendant cette "charge", les marins du RBFM vont capturer 8 chars et faire quelque 300 allemands prisonniers.

Le 4e escadron a fait bivouac le 24 au soir autour du pont de Sèvres. Une unité d'infanterie allemande va se lancer à l'attaque pendant la nuit, y laissant une quarantaine d'hommes. Le 4 escadron comprend le TD "Siroco", l'as du régiment, avec depuis la Normandie 3 victoires à son actif. L'entrée dans Paris se fait en défilant au milieu de la foule des parisiens. Soudain, terminé la promenade, la bagarre, la vraie, se trouve devant, en haut de l'avenue Victor Hugo, vers l'Arc de Triomphe. Durville en jeep y emène 4 TD, "Siroco", "Cyclone", "Simoun" et "Mistral". Arrivée à l'Etoile, le groupe se scinde en deux, "Siroco" et "Cyclone" par la gauche et "Simoun" et "Mistral" par la droite. Le "Siroco" en profite pour détruire et incendier un camion allemand (c'est toujours ça de pris). Plusieurs autres camions et trois chars légers seront détruits par le "Mistral" dans l'avenue Kléber, qui voit se dérouler également l'attaque sur l'hotel Majestic. Le "Simoun" qui s'est positionné en haut de l'avenue des Champs-Elysées demande l'autorisation de les descendre. Durville attend l'arrivée du "Siroco" et donne l'ordre de descente : "Simoun" sur le trottoir de gauche. La progression se fait à pas feutrés, le "Siroco" étant accompagné de la jeep de Durville. Soudain, trois obus sont tirés en direction du "Simoun" sans l'atteindre. Il faut quelques secondes pour identifier et localiser la provenance de ces tirs : un Panther embusqué sur la place de la Concorde, à gauche de l'obelisque, soit une distance d'environ 1800 mètres. C'est le "Simoun" qui va ouvrir le feu, il tire deux obus et se replie. Le Panther est en flammes.
 
Le soir est organisée une prise d'armes sur la place de la Concorde. La foule est nombreuse, et plusieurs chars du RBFM sont impéccablement stationnés devant l'entrée de l'hotel Crillon. Soudain un coup de feu retenti, qui fait se déchainer l'ensemble des armes présentes sur la place, et toutes en direction du Crillon. Quelqu'un cri qu'il s'agit de la cinquième colonne, expression employée designant des partisans infiltrés, mais le chef de char d'un Sherman présent sur la place pointe son canon sur la cinquième colonne de l'hotel crillon et la détruit. Une patrouille sera envoyée dans l'hotel afin d'y déloger le tireur, un allemand isolé qui sera lynché par la foule à sa sortie.
le TD "Strasbourg" pendant l'épisode du Crillon, on voit en arrière-plan, la fameuse 5e colonne détruite
La facade avec la 5e colonne détruite - crédit photographique (©) Parisienne de Photographie
Dégats de la 5e colonne détruite
crédit photographique (©) Parisienne de Photographie
le TD AUDACIEUX pendant l'épisode du Crillon
Et toujours de l'USM1 pour les marins du RBFM
crédit photographique (©) Parisienne de Photographie
   
La capitale a été libérée par une unité Française, il faut maintenant sécuriser la prise, car les allemands semblent décidés à reprendre la ville, des troupes seraient d'ailleurs en route dans ce but. Les unités de la division se repartissent les axes d'approche au nord de Paris afin de les sécuriser. Pendant dix jours, les marins vont profiter de leur gloire, c'est l'été, la libération, de nombreuses parisiennes vont tomber sous le charme de ces petits "Leclerc", comme ils sont surnommés. Les 1er et 2e escadron seront positionnés à l'Hippodrome de Longchamps, le 3e escadron se trouve au Bourget tandis que le 4e escadron s'enferme au fort de la Briche, à Saint Denis.
 
La division quitte Paris le 8 septembre, direction l'est.